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SPOOR

Agnieska Holland

Agnieszka Mandat-Grabka, Wiktor Zborowski, Jakub Gierszal, Miroslav Krobot

129 min.
19 septembre 2017
SPOOR

Duszejko est institutrice à mi-temps. Excentrique, passionnée d’astrologie, végétarienne convaincue, elle vit en harmonie avec la nature aux abords d’un petit village isolé. Un soir, ses deux chiens disparaissent. En dépit de ses recherches, ses deux fidèles compagnons restent introuvables. Quelques temps après, son voisin, un personnage peu amène, est retrouvé mort. Étrangement, d’autres morts suspectes vont suivre, mais Duszejko, a sa petite théorie sur ces meurtres !

Pendant 45 minutes, ce pseudo-thriller écologiste végétarien, qui se revendique comme féministe, peut faire illusion : le personnage principal est susceptible de susciter de l’attachement, et la qualité de la mise en scène mérite un certain intérêt. Mais progressivement, le manichéisme des personnages creuse la tombe d’un propos qui se radicalise et devient totalement contreproductif eu égard aux causes qu’il prétend défendre : celle des femmes et la protection de l’environnement.

Adapté du roman “Drive Your Plow over the Bones of the Dead” d’Olga Tokarczuk, « Spoor »1 divise sans grand discernement ni subtilité ses personnages. On y retrouve ainsi d’un côté (minoritaire), les bons protecteurs de la nature, et de l’autre (majoritaire), des chasseurs-tueurs, des policiers corrompus, un clergé à l’esprit limité et aux idées moyenâgeuses, et enfin un maire vénal.

Si « Spoor » peut se comprendre comme une satire politique visant à dénoncer la « démocratie dictatoriale » polonaise dont les femmes et les animaux seraient, selon la réalisatrice, les premières victimes, le manque de distance critique du film ainsi que le radicalisme qu’il prône apparaissent comme bien peu porteurs. Car, si la solution au problème posé consiste à replacer un despotisme voilé par un idéalisme tout aussi absolutiste, il y a peu de chance que triomphe une démocratie digne de ce nom. Que penser également de la crédibilité d’un personnage qui verse dans l’hystérie et le délire le plus complet pour servir la cause féminine ? Enfin, comment ne pas rester perplexe sur le plan éthique quant à la conclusion d’un film qui laisse sous-entendre que la violence trouve sa résolution dans la violence ? Une violence qui, en plus, demeurerait impunie sous prétexte qu’elle est dévolue à la défense d’intérêts a priori considérés comme justes.

Quel idéal, aussi sublime fût-il, mérite-t-il de sacrifier la globalité du monde au profit d’une seule et unique vision de celui-ci ? Agnieska Holland parvient donc assez ironiquement (et non intentionnellement) à nous démontrer que dès qu’un idéal se mute en idéalisme, il devient comparable à un soleil qui, à force d’être fixé, rend totalement aveugle.

(Christie Huysmans)

1 « Spoor » a remporté le Prix Alfred Bauer (prix dédié à un film de fiction ouvrant de nouvelles perspectives) à la Berlinale 2017.