Coup de coeur
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Coup de coeurA MAN CALLED OVE

Hannes Holm

Rolf Lassgård, Zozan Akgün, Tobias Almborg, Filip Berg, Ida Engvoll

116 min.
29 juin 2016
A MAN CALLED OVE

Ove, 59 ans, est le vieux grincheux du quartier. Psychorigide, homme aux principes inflexibles et à l’humeur atrabilaire, il entend faire respecter à la lettre le règlement du clos dans lequel il réside depuis plus de trente ans. Chaque matin, à la même heure, il effectue sa tournée d’inspection générale, et bien mal en prendra à celui qui osera déroger aux règles en vigueur. Il roule en Saab et à ses yeux, il n’y pas de pire infamie pour tout Suédois qui se respecte de conduire une voiture de marque française ou allemande. Mais pourquoi et comment Ove est-il devenu cet homme aussi grognon ?

Adapté du roman éponyme de Frederik Backman, « A man called Ove » parvient à nous faire passer du grand sourire aux larmes en moins d’une seconde. Film comique et nostalgique, ce petit bijou offre un dosage parfait entre humour et émotion. Grâce à un comique de situation savamment mesuré et à des dialogues finement étudiés dont le ton est souvent caustique, voire sarcastique, Ove (Rolf Lassgård) parvient à se rendre sympathique alors même qu’il excelle dans l’art de se montrer sous son plus mauvais jour. Il en va également de même lorsque ce ronchonneur mélancolique songe à son enfance, à ses parents et à la femme dont il fut éperdument amoureux et qui, dans son esprit, demeure éternellement jeune. La gaieté n’étant jamais très éloignée du seuil de la tristesse, et, le malheur n’étant au fond que la privation du bonheur, l’âme forte et le cœur sensible de ce grand monsieur aussi raide que la justice nous rappellent ainsi que mieux vaut souffrir d’avoir aimé que de souffrir de n’avoir jamais aimé.

Mais si Ove est le personnage clé de ce film, le réalisateur ouvre petit à petit les portes de thèmes profondément humains en s’appuyant, avec une élégante sobriété et une simplicité hautement travaillée, sur la quotidienneté de la vie à travers une petite kyrielle de personnages hauts en couleur. Et c’est ainsi que l’on sent poindre simultanément le regret et l’espoir d’une société suédoise à la fois en manque et en recherche de contacts interpersonnels. Qu’est-il en effet advenu de l’époque où tout le monde connaissait parfaitement ses voisins et où chacun s’enquérait régulièrement de l’état de l’autre ? La société individualiste d’aujourd’hui est-elle parvenue à totalement déliter les rapports de proximité et de solidarité qui faisaient figure d’évidence par le passé ? L’espoir d’un changement est-il permis ? Il semblerait que cette thématique soit particulièrement d’actualité chez nos voisins nordiques car rappelons-le, en février dernier à Berlin, le réalisateur Thomas Vinterberg exprimait lui aussi son désarroi quant à la défection du sens de la communauté et à la perte de certaines valeurs élémentaires de partage au sein de la société danoise.

Film d’amour et d’amitié drôle et triste à la fois qui évoque autant la vie que la mort, « A man called Ove » se conjugue donc autant au passé qu’au présent et embrasse ainsi l’ambivalence émotionnelle du souvenir tout autant qu’il fait scintiller la beauté de l’instant.

On ne peut assurément pas s’empêcher de succomber au charme de ce vilain bougon, ni d’éprouver une profonde affection pour l’enfant au cœur tendre et l’amoureux transi qu’il fut jadis.

(Christie Huysmans)