Coup de coeur
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Coup de coeurLES NEIGES DU KILIMANDJARO

Robert Guédiguian (France 2011)

Ariane Ascaride, Maryline Canto, Anaïs Demoustier, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Grégoire Leprince-Ringuet, Adrien Jolivet

107 min.
30 novembre 2011
LES NEIGES DU KILIMANDJARO

Et zou ! De nouveau, et en décrivant un orbe vibrant de sincérité, les flèches de Robert Guédiguian atteignent leur cible.

Parce que le cinéaste les décoche avec une noblesse qui ne peut qu’interpeller celles et ceux qui ne se limitent pas à faire de leur vie une opportunité égoïste mais s’ouvrent à une dimension de partage et de souci des autres.

 

Sous son regard attentif qui ne confond jamais bienveillance et complaisance, l’existence déploie des ailes dont on ne soupçonnait pas l’envergure.

En apparence « Les neiges … » est un film facile, transparent. En profondeur l’émotion qu’il suscite est constamment enrichie par une réflexion sur ce qui constitue la réalité de ce début de siècle dans un Monde ici exemplarisé par le désarroi de Michel et Marie-Claire.

Couple uni par un amour de plus de 30 ans, par des amitiés solides, une famille affectueuse.

 

Uni aussi par des combats politiques et syndicaux menés avec une foi en l’homme qui sera ébranlée lors de leur agression par un des « leurs », ouvrier de chantier naval licencié en même temps que Michel.

Comme dans la plupart des films de ce réalisateur qui noue avec la même ferveur conviction idéologique de gauche et humanisme de tous bords, l’histoire se passe à l’Estaque, ce quartier Nord de Marseille dont depuis sa première réalisation en 1981, « Dernier été », il a fait un terrain d’exploration pour interroger son époque de plus en plus malmenée par le chômage et ses effets collatéraux (désoeuvrement, découragement, tentations délictueuses), les fins de mois difficiles et des idéaux mis à mal par une économie de plus en plus globale et ultra libérale.

 

Au fil du temps et des changements de société qu’il induit, les questions deviennent plus âpres, précises et personnelles sur ce que devient un Monde dans lequel la division entre ceux qui possèdent et ceux qui perdent le peu qu’ils ont ne cesse de croître.

Guédiguian ne réenchante pas la situation qu’il décrit, il propose une solution conditionnée par notre propre prise de conscience et courage d’agir : pour avoir encore envie, demain, de chanter « Les neiges du Kilimandjaro » (*) il faut cesser de vivre replié sur soi et de fermer les yeux sur la détresse en train de fondre, avec l’implacabilité du faucon qui a repéré sa proie, sur tous ceux que le travail déserte.

La mise en scène simple et généreuse, l’interprétation poignante de tous les acteurs qu’ils soient de premier ou deuxième rôle (**), les références à Jaurès et Hugo (***) - ces « Dieux » tutélaires qui aident l’homme à progresser vers le meilleur de lui-même - les dialogues qui cernent au plus vrai, au plus près les fragilités et certitudes des personnages font des « Neiges… » un film mieux que bon.

Un film précieux dont on sort ému. Grandi.

Requinqué et convaincu que la fatalité du malheur, si l’on ouvre le coeur et les bras, n’est pas un destin. (mca) 

 

(*) de Pascal Danel
(**) une seule réserve, celui du commissaire (incrédible) de Robin Stévenin.
(***) dont l’ample poème « Les pauvres gens » a inspiré le réalisateur. http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/victor_hugo/les_pauvres_gens.html