Docu-reportage
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PAVEE LACKEEN

Perry Ogden (Irlande 2005 - distributeur : Imagine Film Distribution)

Winnie Maughan, Rose Maughan, Rosie Maughan

87 min.
19 juillet 2006
PAVEE LACKEEN

Existe-t-il un trait d’union entre le peintre Francis Bacon et Winnie Maughan, la jeune romani irlandaise qui occupe l’écran de la première à la dernière image de ce beau film qui emprunte sa force à la fois aux règles du documentaire et aux libertés de la fiction ?

Ils sont tous les deux Irlandais mais surtout ils ont deux les deux eu le privilège d’attirer le regard sans concession mais aussi sans jugement d’un artiste anglais (vivant à Dublin) connu pour son travail de photographe : Perry Ogden.

Dans son reportage sur l’atelier de Bacon (1) Ogden se pose sur un lieu centrifuge, à partir duquel un homme va construire durant 30 ans une œuvre, dans « Pavee Lackeen » il déplace son regard scrutateur sur une famille de nomades qui refuse de s’ancrer dans la maison qui lui est proposée par une assistante sociale.

Ce refus et la force autodestructrice qu’il révèle sont abordés avec une étrange douceur.
Un peu comme si l’enfermement de cette famille dans son désir de ne pas intégrer la modernité
donnait au réalisateur, par un effet de contraste, l’envie de filmer avec un maximum de fluidité
cette obstination à ne pas quitter le lopin de terre occupé par leur caravane.

L’approche d’une Eire dont l’essor économique n’est pas assez généreux pour y inclure ses laissés-pour-compte est dépourvue de tout romantisme ou nostalgie. Seul le titre en gaélique
et le fréquent recours aux plans serrés rappellent la menace de disparition qui pèse sur une langue et le peuple qui la parle.

Pourtant ce peuple ne se rendra pas sans un dernier combat. Même si celui-ci est vain.
La débrouillardise de la jeune Winnie - cousine à la fois proche de la « Rosetta » des frères Dardenne, par son intensité et lointaine par son rejet d’une idée de vie normale - est observée de loin, sans inférence particulière fors celle qu’appartenir au monde du voyage donne à la fois l’impression de n’avoir de place nulle part et en même temps la possibilité de se sentir partout chez soi.

A l’énigmatique aisance de la jeune fille à occuper l’endroit où elle se trouve s’oppose la rigidité d’une administration soucieuse de se débarrasser des marginaux en les reléguant dans des sortes de no man’s lands en bordure des villes.

Film sur des voyageurs c’est-à-dire sur ceux qui n’ont pas le temps de s’attacher à un endroit
« Pavee Lackeen » suscite chez le spectateur le sentiment contraire : celui de s’être au cours des 87 minutes de la projection attaché à une jeune fille pour laquelle on espère, lors du dernier plan qui la voit s’éloigner, un avenir plus prometteur que ce que son présent fait d’ennui et de menus larcins laisse supposer. (m.c.a)

(1) paru aux éditions Thames & Hudson