Drame familial
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

SUBMARINO

Thomas Vinterberg (Danemark/Suède 2010)

Jacob Cedergren, Peter Plaugborg

105 min.
17 novembre 2010
SUBMARINO

Quand on dit « ode à la joie » on pense à Beethoven.

Dorénavant quand on parlera d’ode à la noirceur on évoquera Vinterberg.

En effet comment définir autrement ce 4ème long métrage d’un cinéaste qui nous avait bouleversés il y a 12 ans par une première œuvre « Festen » ?

Oeuvre forte et troublante sur la perversité toujours prête à corroder les liens familiaux les plus proches.

Avec « Submarino » nous restons dans le registre des liens de parenté tout en descendant, si faire se peut, encore un cran de plus dans le cycle de la fatalité engendrant la virulence envers soi et envers les autres. A moins que ce ne soit l’inverse, la virulence engendrant la fatalité.

Chez Vinterberg, on a l’impression étrange et dérangeante d’être entraîné dans une logique de dureté qui n’appartient pas aux personnages mais aux évènements.

Comme si c’étaient eux qui donnaient la direction, le la de l’histoire.

 
Deux jeunes garçons élevés par une mère alcoolique et coupables, croient-ils, de la mort de leur cadet deviennent accrocs à la drogue, à la boisson et à la prison.

Réduire ce film à une longue et misérabiliste chute dans les enfers de l’addiction serait aussi injuste que de ne voir dans un récit de l’ancien testament que l’absence de miséricorde d’un Dieu bien éloigné de ses ouailles.

Car si « Submarino » est une plongée dans les ravages de vies privées d’amour, de références parentales et de décence matérielle - comme dans certaines parties des Rougon-Macquart de Zola – il est aussi une tentative de capter, avec une douceur qui étonne dans ce monde de malheur et de brutalité autodestructrice, la fragile tendresse qui peut malgré tout unir deux frères.

Bien éloigné des contraintes dogma mises au point par le réalisateur avec celui que le festival de Cannes a considéré (un peu trop précipitamment ? ) comme un des Seigneurs de la pellicule, Lars von Trier, « Submarino » effraie, émeut et questionne à la fois.

Ses couleurs grises et vertes, son climat urbain, sa construction faite de flash-backs instillent une troublante beauté grave et intime aux personnages dont on sent que les épreuves n’ont pas complètement émoussé l’humanité.

Personnages auxquels les acteurs apportent, avec une simplicité essentiellement corporelle, une présence rageuse, ravageante et étrangement tendre.

« Submarino » n’est pas qu’une allusion à une technique de torture par noyade (*) ou une interrogation sur le rôle des parents dans le devenir de leurs enfants, il est aussi une frêle ouverture sur l’incassabilité de la notion d’espoir qui continue à éclairer les existences.

Aussi moches puissent-t-elles être.

« Submarino » est adapté d’un livre de Jonas T. Bengtsson édité chez Denoêl dès janvier 2011. (mca) 

(*) La technique s’appelle en France "La baignoire" et aux USA "The waterboarding". Elle fut utilisée notamment par la Gestapo pendant la 2ème guerre mondiale, durant la guerre d’Algérie et du Vietnam contre les partisans du FNL et les Vietcongs.