Les Chemins d’Agnès Varda

A L’occasion de sa visite aux BOZAR le mercredi 25 février 2009, Agnès Varda vient présenter son nouveau film, "Les Plages d’Agnès". Au travers de son discours, ce sont des pans entiers de sa vie qu’elle raconte, distille. Le public retient son souffle face à cette grande dame du cinéma. Et l’on ne peut en faire qu’autant.

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Elle arrive dans une des salles des BOZAR avec le sourire, taquine le caméraman qui la suit de son œil mécanique, clamant avec une certaine dose d’humour, « c’est pas croyable, on est filmé tout le temps de nos jours ! ». Réflexion qui fait évidemment référence à elle-même, et à son envie de capter toujours plus de gens, d’histoires avec sa petite caméra.

Agnès Varda a maintenant plus de quatre-vingt balais. D’ailleurs, pour son anniversaire, ses amis lui en ont apporté quatre-vingt, des balais. Elle jure les avoir comptés, pour être certaine que ses amis ne l’ont pas flouée. Elle rigole quand elle repense à cette anecdote, qui se retrouve d’ailleurs dans son nouveau film, « Les Plages d’Agnès ». C’est pour cette raison qu’elle est là, cet après-midi. Pour parler de ce nouvel opus. Mais aussi pour revenir sur son parcours en général, puisque c’est ce dont il est question dans son film.

Un parcours qui commence pas loin des étangs d’Ixelles, et qui chemine, de la plage de Sète à Cuba, de Paris à la Chine, en passant par les Etats Unis. Une vie mouvementée sans être pour autant tumultueuse. Une histoire terriblement riche. D’une jeune femme qui commença d’abord par la photographie, avant de passer à la réalisation cinématographique. Une femme qui avoue n’avoir vu qu’une petite vingtaine de films avant d’avoir elle-même commencé ce travail. Pas une cinéphile, donc, mais une personne lucide par rapport à l’image. Et qui dès le départ, se démarque des autres.

On oublie parfois que son premier film, « La Pointe Courte », fut réalisé en 1954, alors que la Nouvelle Vague n’avait pas encore débuté, et que ses artisans se cantonnaient toujours aux critiques des Cahiers du Cinéma. Agnès Varda n’a pas la prétention de porter un regard critique sur le cinéma de son époque, ni de travailler en réaction de celui-ci. Elle travaille avec son cœur, avec ses tripes, avec son vécu, qu’elle injecte dans ses films, sans se soucier des modes ou des mouvements privilégiés.

C’est assurément « Cléo de 5 à 7 » qui la révèle au grand public. Réalisé en 1961, et dès lors, associé, un peu à tort, à la Nouvelle Vague, le film fera le tour du monde et remportera de nombreux prix. Mais ce ne sont pas ces récompenses qui intéressent Agnès. Elle continue son bonhomme de chemin, tantôt avec Jacques Demy à ses côtés, tantôt sans lui, mais toujours animée de la même passion, du même amour de ceux qui l’entourent et qui l’inspirent dans son travail.

« Daguerréotype » en 1975, « Jane B. par Agnès V. » en 1985, « Sans toi ni loi » la même année, autant de films qui débusquent le réel, aussi divers et multiple qu’il soit, tout en lui injectant une dose de poésie et de légèreté parfois amère typique de la réalisatrice.
Son travail se poursuit, toujours plus dense et plus touchant avec « Jacquot de Nantes », réalisé en 1991 alors que Jacques Demy est en phase terminale d’une maladie grave. Même démarche avec « Les Demoiselles ont vingt ans », chronique filmée de la ville de Rochefort, vingt ans après le tournage de « Les Demoiselles de Rochefort ». Ces deux films sont des processus de remémoration filmée, des deuils qui passent par un chemin, une marche aux travers des souvenirs, sans jamais sombrer dans la nostalgie. Agnès Varda célèbre, elle ne déplore pas. C’est cette énergie débordante qui la caractérise le mieux, et qui, sans aucun doute, fascine le plus.

Après le récent succès des « Glaneurs et la Glaneuse » en 2000, Agnès Varda s’est récemment lancée dans une carrière d’artiste plasticienne. Comme elle aime à le souligner, elle n’est peut-être plus toute jeune, mais on ne peut pas affirmer qu’elle est une jeune artiste plasticienne. Son installation « Les veuves de Noirmoutier », notamment exposé au SMAK de Gand, est une mise en image démultipliée de femmes qui ont perdu leur moitié, et qui se racontent, pendant quelques minutes, via l’œil caméra de Varda. Emouvant et intelligent, cette installation englobe le spectateur et parvient à le toucher dans son intimité sans pour autant le forcer.

C’est comme ça qu’Agnès Varda fonctionne, en douceur, mais en profondeur. Avec un dynamisme qui réjouit, une sincérité qui émeut, et une intelligence qui désarme.