Président d’abord - ou Roi, puisqu’on est en Belgique - eu égard à sa spectaculaire carrière. Apparu furtivement sur les écrans dès 1990 dans Toto le héros de Jaco Van Dormael (on a vu pire baptême du feu), Bouli Lanners va graviter quelques années autour du grand et du petit écran, dans une sorte de valse-hésitation entre sa vocation première, la peinture, et sa découverte de cœur, la comédie. Alors qu’il bosse comme régisseur pour les Snuls, ces derniers repèrent sa carrure et son charisme, et le propulsent en héros hilarant de leurs aventures déjantées. 1999 marquera un tournant pour lui, avec Les Convoyeurs attendent de Benoit Mariage, dont il partage l’affiche avec Benoit Poelvoorde, et son premier court métrage Travellinckx, qui fait le tour des festivals. L’essai est transformé en 2002 avec son deuxième court, Muno, sélectionné à Cannes à la Quinzaine des Cinéastes. Quinzaine qu’il retrouvera en 2008 avec Eldorado, et en 2011 avec Les Géants. Viendront ensuite Les Premiers les derniers, présenté à Berlin en 2016, et Nobody Has to Know à Toronto en 2022. Multipliant les héros fragiles en quête de sens, et même d’amour dans son dernier film, il met au service du grand écran son grand sens pictural. Peintre des paysages, il sublime la Wallonie, mais aussi la Beauce et l’Ecosse dans ses réalisations.
En parallèle se déploie sa carrière d’acteur, oscillant entre les réalisatrices qui révèlent sa subtilité et sa belle pudeur (on pense notamment à Claire Burger et C’est ça l’amour, Solveig Anspach et Lulu Femme Nue, Katell Quillévéré et Réparer les vivants), la complicité avec les camarades joyeusement anarchistes comme Kervern et Delépine, Albert Dupontel ou Samuel Benchetrit, des incursions du côté de la comédie grand public dans Astérix ou Rien à déclarer, et une vraie fidélité aux auteurs belges, toujours, de Stefan Liberski (Bunker Paradise) aux frères Malandrin (Où est la main de l’homme sans tête, Je suis mort mais j’ai des amis), en passant par Savina Dellicour (Tous les chats sont gris). Rare à la télévision, il incarne néanmoins l’emblématique Docteur Lebrun dans la saison 2 d’Hippocrate, la série à succès de Thomas Lilti, dont il vient de mettre en boîte la 3e saison. On le retrouvera également sous les traits de José Bové dans le thriller d’Antoine Raimbault L’affaire Dali. Un politicien engagé auprès des paysans, pour un citoyen aux racines terriennes.
Président aussi pour consacrer son incroyable histoire d’amour avec les Magritte du Cinéma. Et pour cause, chacun de ses trois films nominés aux Magritte du Cinéma est reparti avec le trophée du Meilleur film et tous lui ont également valu le Magritte de la Meilleure réalisation, faisant de Bouli Lanners le cinéaste le plus primé de l’histoire de la Cérémonie. En tout, Les Géants, Les Premiers les derniers et Nobody Has to Know ont remporté pas moins de 12 statuettes ! Et Bouli n’est pas en reste sous son autre casquette, celle d’acteur, puisqu’il est là aussi le comédien le plus primé des Magritte du Cinéma – à égalité avec Emilie Dequenne. Six fois nominé dans la catégorie Meilleur acteur, il l’a remportée à deux reprises, en 2020 pour C’est ça l’amour de Claire Burger, et l’année dernière pour La Nuit du 12 de Dominik Moll, qui lui a d’ailleurs également valu son premier César. Mais ce n’est pas tout, puisque Bouli Lanners a par ailleurs été cinq fois nominé pour le Magritte du Meilleur acteur dans un second rôle, qu’il a remporté en 2013 pour De rouille et d’os de Jacques Audiard.
Président enfin pour souligner l’engagement du citoyen et la simplicité de l’artiste, tant appréciée par le public, qui sont profondément le reflet des convictions de l’homme. Bouli Lanners ne cache rien de ses combats. Il a, à plusieurs reprises, partagé son inquiétude quant à l’état des centrales nucléaires belges. Il prône la préservation de la nature, allant jusqu’à acheter des terres voisines de chez lui à Liège pour les protéger de l’appétit des promoteurs immobiliers. Il s’exprime sur l’exclusion des chômeurs, se mobilise pour les droits d’auteur, prône une certaine forme de décroissance, et depuis quelque temps s’interroge aussi sur sa propre pratique professionnelle, et la façon dont l’industrie du cinéma aborde les questions environnementales. L’amour du terroir s’accompagne d’un souci des traditions, et de la transmission. Cet été, Bouli Lanners annonçait vouloir arrêter la réalisation, et ralentir le rythme de sa carrière d’acteur pour se consacrer à la peinture, ses premières amours, mais aussi au tout nouveau "Théâtre de la couverture chauffante ». Théâtre de marionnettes liégeoises qu’il a ouvert avec sa femme Elise Ancion, fille de Françoise Gottschalk et de Jacques Ancion du feu théâtre de marionnettes « Al Botroûle ». Faire vivre les traditions donc, mais aussi transmettre aux futures générations, puisque Bouli Lanners enseigne à l’INSAS, où il a pu accompagner des talents aussi prometteurs que Delphine Girard, Leopold Legrand ou Valentina Maurel.
Pour toutes ces raisons, et tant d’autres, l’Académie André Delvaux et la RTBF sont fières de confier la Présidence de la 13e édition de la Cérémonie des Magritte du Cinéma à Bouli Lanners, qui succède ainsi à Lubna Azabal (2023), Thierry Michel (2022), Pascal Duquenne (2020), Patar et Aubier (2019), Natacha Régnier (2018), Virginie Efira (2017), Marie Gillain (2016), François Damiens (2015), Emilie Dequenne (2014), Yolande Moreau (2013), Bertrand Tavernier (2012) et Jaco Van Dormael (2011).
On se réjouit de le retrouver le 9 mars prochain sur la scène du Théâtre National Wallonie-Bruxelles pour partager, à l’occasion de cette 13e édition des Magritte du Cinéma, un peu de sa sensibilité et de son esprit frondeur.