Venu présenter son dernier film à Bruxelles et au Festival d’Ostende, Roberto Andò nous a fait le plaisir de nous accorder un entretien qui, très vite et sans surprise, prit la forme d’un passionnant dialogue philosophique. Aucune surprise car l’homme entretient depuis de nombreuses années une intime relation avec la philosophie ; une histoire d’amour, qui dégagée de toutes ses aspérités conceptuelles, se fait narration lorsqu’il prend la plume ou se place derrière la caméra. Rien d’étonnant non plus à ce qu’à travers Le Confessioni, le réalisateur italien se fasse l’écho de la pensée de Saint-Augustin, notamment concernant son extraordinaire méditation sur le Temps. Mais au-delà du rayonnement d’une pensée dont la modernité demeure intacte, Roberto Andò nous propose de relever plusieurs défis.
Le Confessioni s’inscrit dans la continuité de ’Viva la libertà !’. Dans quelle mesure aviez-vous déjà à l’esprit le scénario de ce film en 2014 ?
Je ne l’avais pas à l’esprit à l’époque. J’avais bien l’idée d’explorer l’économie comme le seul lieu où se joue actuellement le vrai pouvoir politique et qui, à mes yeux, est le lieu le plus illusionniste qui soit. Cependant, je n’avais pas encore en tête le personnage du moine qu’incarne Toni Servillo.
Lorsque nous nous sommes rencontrés en 2014, nous avions déjà évoqué les causes de l’impuissance politique actuelle. Vous aviez souligné l’importance et la place qu’a pris le pouvoir économique sur le plan politique et vous aviez ajouté : « Vue sous un angle anthropologique, la politique fonctionne comme une tribu qui continue à appliquer ses rituels alors que ceux-ci n’ont plus aucune raison d’être, et c’est là une évolution qui n’a pas encore atteint son point définitif ». Votre film pourrait laisser à penser que ce simulacre a atteint, si ce n’est un point définitif, en tous cas un point de non-retour.
Je crois que l’Etat politique occidental est en phase terminale. L’hôtel où se déroule le film est d’ailleurs à ce titre très symbolique. Comme vous le savez, cet hôtel a accueilli un sommet du G8 en 2007, et sur base des images que j’avais vues dans les médias à l’époque, le lieu me semblait intéressant. Je me suis donc rendu sur place et l’architecture très clinique de cet hôtel m’a particulièrement frappé et attiré. Et cela ne tient d’ailleurs pas du hasard car au départ, le lieu était bel et bien un hôpital, qui a d’ailleurs été transformé après la seconde guerre mondiale en clinique psychiatrique destinée à interner certains nazis. Enfin, l’idée de tourner en Allemagne me plaisait beaucoup.
J’ajouterais que pendant vingt ans, on a fait de l’économie une théologie. Or, aujourd’hui, l’économie est en état de crise et cherche à retrouver une fonction. Il y a encore quelques années, l’économie avait la fonction d’une fiction ; elle nous racontait une histoire selon laquelle il était possible de faire de l’argent à partir de rien. Et dans le film, l’ironie fait que le moine utilise le bluff, soit un atout identique à l’équation que lui a confiée Daniel Roché et qui n’est autre qu’une coquille vide reposant sur l’illusion.
J’aimais donc l’idée de confronter l’illusionnisme du pouvoir politique, représenté par ses ministres de l’économie, à un moine. C’est-à-dire à un homme totalement étranger à cette sphère, qui ne possède rien, pas même sa vie, et dont l’humanisme tranche radicalement avec les autres protagonistes. Et je vois dans cette confrontation, un défi ; le défi d’apporter un état nouveau. J’admets volontiers que la solution évoquée dans le film n’est pas La seule et unique solution à la crise actuelle (dans le film, ce moine ne fait d’ailleurs que remporter une bataille) mais elle contient une force que j’aime et qui est incarnée par ce moine, qui a fait vœu de pauvreté. Et comprenez bien que je ne fais pas l’apologie de la pauvreté et que je n’y aspire pas ! ; je la considère comme la possibilité de nous dévêtir de nos schémas de pensée et d’action habituels en vue de recommencer quelque chose de neuf en revenant à des choses essentielles et en le faisant avec sincérité.
Parlant de sincérité, votre film semble lancer un appel au silence et au réveil de la conscience. Car dans toutes les confrontations qui opposent ce moine aux autres protagonistes, ce dernier les invite avant tout à faire silence et à interroger leur conscience par-delà le bien et le mal sans leur imposer une quelconque vision dogmatique ou moraliste de l’action à mener.
Tout à fait. Cet homme est avant tout un être spirituel, un intellectuel et un humaniste qui aime le monde dans son entièreté. Il vit en harmonie complète avec la nature, il est autant à l’écoute du ciel que de la terre ; il aime et respecte de manière égale tous les êtres vivants (les hommes comme les animaux). Il n’est pas religieux au sens où on le connote habituellement. Il n’est pas là pour accomplir un miracle. Cependant, c’est aussi un homme qui use de l’ironie et s’amuse, jusqu’à un certain point, des conversations qu’il entretient avec tous les autres protagonistes. Ce moine est aussi le gardien d’un secret intime. Or la notion du secret tranche elle aussi de manière très ironique avec la notion de transparence, qui est sur toutes les lèvres des politiciens actuels et qu’il convient de mettre entre guillemets.
Le titre de votre film fait clairement référence aux ’Confessions’ de Saint-Augustin. Sur le fond, le dialogue décisif qui se tient entre Roberto Salus et Daniel Roché lorsqu’ils évoquent la question du Temps [1], révèle la véritable motivation de Roché à se confesser, à savoir celle d’un homme qui, par sa vision physique et linéaire de la temporalité, se retrouve confronté à l’angoisse de la mort, mais qui se montre pourtant incapable de soulager réellement sa conscience.
Absolument. Roché est un homme qui continue à adopter l’attitude d’un dominateur, d’un homme qui se croit toujours capable de tout maîtriser, en ce compris l’homme qu’il a face à lui. Le fait d’avoir choisi Roberto Salus, lui et pas un autre, et de l’avoir convoqué, est d’ailleurs pour lui une marque ultime de son prestige. Il considère également comme un défi de se faire pardonner par un homme qui est son exact contraire. Il lui dit d’ailleurs : « Vous savez ce qui me plaît chez vous ? C’est votre réprobation envers tout ce qui me plaît. »
Dans les Frères Karamazov de Dostoïevski, le grand inquisiteur demande à Jésus : « Pourquoi es-tu venu ici ? Pourquoi es-tu venu nous déranger ? ». Jésus est donc perçu comme un élément perturbateur. Et c’est aussi en tant que perturbateur que je vois Roberto Salus.
Mais, pour en revenir à Roché, il faut souligner que contrairement aux autres, il est d’une lucidité extrême et qu’il n’est pas dupe du jeu politique dans lequel il a joué jusqu’alors. Et comme vous l’avez souligné, il est terriblement angoissé à l’idée de mourir, car il réalise qu’il est passé à côté du temps de l’intériorité tel que l’évoque Saint-Augustin. Il a voulu posséder le monde et le temps mais une fois confronté à sa finitude, il se rend compte qu’il est en état d’échec.
Dans cette perspective, et à titre de comparaison, il est utile de se rappeler l’échange téléphonique qui eut lieu entre Staline et Pasternak après l’arrestation de Mandelstam en 1934. Pasternak est réellement parvenu à mettre un terme à la pression exercée par Staline en lui disant : « J’aimerais discuter avec vous de la mort et de la vie. »
Quelle conclusion tirer de cet échange ? Le pouvoir et les hommes politiques se refusent à parler de la vie et de la mort. Or, dans le film, c’est cette question qui est abordée. Une question à laquelle tous les protagonistes ont des difficultés à se confronter.
Une difficulté qui émerge car elle nécessite pour eux de solliciter leur conscience
Exactement, car la conscience suscite le doute.
Mais il y a toujours dans le doute une certaine fertilité. On peut même parler de l’intelligence du doute.
Absolument. Et à cet égard, l’attitude apparemment passive du moine donne à chacun la possibilité de parler.
Ne peut-on d’ailleurs dire que l’énigme de votre film se résout en fait entre les mots et le silence ?
Tout à fait et dans cette perspective, lorsque l’on observe aujourd’hui la médiatisation de la parole politique, on se rend compte qu’elle n’est pas utilisée pour dire ou pour révéler quelque chose mais bien pour le cacher. La parole dissimule alors que le silence devient une force révélatrice.
C’est là où on peut parler de l’éloquence du silence ?
En effet. Et à titre de comparaison, lorsque je songe à la pauvreté du langage politique et à son besoin d’imaginaire, je pense au film Bienvenue Mister Chance ((Being There) d’Hal Ashby avec Peter Sellers dans lequel un jardinier qui a toujours vécu retiré du monde deviendra le conseiller d’un homme puissant grâce à une parole simple et métaphorique. Tout ce que cet homme exprime est tiré de son expérience du jardinage, mais ses propos seront considérés par les autres comme des sentences de sagesse.
Parlant des mots et de leur vacuité, diriez-vous que le simulacre que nous évoquions plus tôt tient aussi au fait que l’on a progressivement oublié le sens originel des mots ainsi que la réalité qu’ils sont censés couvrir, ce qui par voie de conséquence a perverti notre manière d’agir ? Prenons le mot économie par exemple, qui, au sens premier, signifie l’art de bien conduire, de bien administrer un foyer. Que reste-t-il de ce fondement ?
Pas grand-chose en effet, et c’est ce qui ressort du discours de Roché. Mais lorsque l’on observe l’économie contemporaine, on constate qu’elle est obsédée par la question de la dette. Et dans cette perspective, il est pertinent de se rappeler que le philosophe Walter Benjamin avait établi un lien très intéressant entre l’économie et la théologie. Il relève notamment le caractère culpabilisant qui unit le capitalisme à la religion. « Le capitalisme est probablement le premier exemple d’un culte qui n’est pas expiatoire mais culpabilisant. », écrit-il. Il poursuit son raisonnement en évoquant l’ambiguïté du mot Schuld (mot qui signifie à la fois dette et culpabilité). Une ambigüité qui lui fait dire que l’on ne peut pas séparer, dans le système de la religion capitaliste, la dette économique de la culpabilité mythique.
Pendant des années, le mot austérité était sur toutes les lèvres, ce qui impliquait de mettre en place des politiques économiques visant à réduire la dette. Mais aujourd’hui, quel en est le résultat ? Tout le monde ou presque (et Angela Merkel fait partie toujours des exceptions) pense que ce raisonnement n’a pas sorti ses effets et que désormais, il faut changer de cap. Mais quel cap ?
Dans le film, la Ministre canadienne dit que les économistes sont appelés à remettre de l’ordre, à remettre les choses à leur place. A contrario, l’écrivaine souligne que lorsqu’elle écrit, lorsqu’elle construit un monde imaginaire, elle s’efforce d’y mettre du sens. Par conséquent, peut-on remettre les choses en place sans envisager la question du sens que l’on va donner à cet ordre nouveau ? Et comment trouver du sens sans se (re)poser la question de la vie ? C’est ainsi que ce moine, qui n’est pourtant pas porteur d’une quelconque idéologie, amène son silence et introduit la notion de pitié, une valeur extrêmement importante à mes yeux et que l’on a presque perdue.
Le mot pitié est souvent évoqué aujourd’hui avec une connotation négative. Qu’entendez-vous par le mot pitié ?
La pitié, c’est pour moi la première condition pour comprendre les autres, en ce compris ses ennemis. À ce titre, le conflit qui oppose l’Occident à Daesh, est significatif. On ne peut se contenter de voir la partie émergée de l’iceberg. D’accord, il faut mettre un terme à la violence mais on ne peut nier que la question économique soit intiment liée au conflit.
Votre film est truffé d’une abondante intertextualité qu’elle soit verbale ou non verbale. (Vous citez en ouverture les vers de Ferdinando Russo. Outre Saint-Augustin, vous citez Pascal et Yánnis Rítsos ; Robert Salus lit Ernesto Buonaitui et un livre intitulé The Wise Child... Est-ce votre manière de semer des indices à l’attention du spectateur ou de trouver dans les mots des autres la confirmation de vos propres pensées ou intuitions ?
J’ai cité ou fait référence à des textes et à des auteurs que j’aime. S’agissant de Saint-Augustin, j’aime la définition et la dimension humaine qu’il donne au mot « confession » et qui est éloigné du concept qu’on lui donne aujourd’hui. Quand on songe au mot « confession », on l’envisage avant tout comme un rituel idéologique de l’appareil chrétien. Or pour Sait Augustin, elle exprimait « les mots de l’âme et le cri de la pensée ». Dans le film, le moine écoute et donne aux autres le moyen de s’exprimer. Aucun d’eux n’est une marionnette ; ils sont tous humains et en tant que tels, ils font tous l’expérience du doute. Et je crois qu’il y a toujours la possibilité d’écouter et d’être écouté. Je citerai en exemple le choix humain d’Angela Merkel qui a décidé d’accueillir les réfugiés ; un choix qui risque de lui coûter sa carrière politique. Il ne s’agit pas là d’une décision politique mais bien d’un choix humain.
Par ailleurs, comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, il y a la réflexion décisive de Saint-Augustin sur le Temps, son intériorité sensible (les trois temps de la présence [2]) et la possibilité de vivre le présent de ce qui s’est passé, le présent des choses présentes, et le présent des futurs. Cette perception du temps nous a, d’une certaine manière, libérés et elle nous a amenés à vivre autrement. C’est un appel à la liberté, un appel à la conscience comme forme de liberté. Il ne faut pas oublier que Saint-Augustin est aussi un philosophe de la vie. Je soulignerai aussi que dans le film, je fais référence à deux oiseaux, notamment à la huppe fasciée. Et je regrette d’ailleurs d’avoir oublié en réalisant le film que le poète Eugenio Montale a écrit un poème extraordinaire intitulé « Upupa, ilare uccello calunniato ». Ce n’est qu’après avoir terminé le film que je m’en suis souvenu, ce que j’ai regretté car la huppe fasciée incarne symboliquement le joyeux oiseau qui suspend le temps.
S’agissant d’Ernesto Buonaitui, je tenais à y faire référence car c’est un personnage formidable. Il était théologien et a d’ailleurs écrit un livre extrêmement intéressant sur l’histoire du christianisme (« Storia del cristianesimo »). Mais surtout, Ernesto Buonaitui est une figure emblématique de l’histoire civile italienne, car il a agi en homme libre (et j’insiste sur le mot) en s’opposant au fascisme, et ce, en dehors de toute appartenance politique. Parmi 2500 professeurs d’université, seuls 12 d’entre eux ont refusé de signer l’acte d’obédience au fascisme et Buonaitui en faisait partie. Et je trouve que la liberté de dire non est l’une des plus grandes prérogatives de l’homme. Dans cette perspective, je cite également ce vers extraordinaire de l’immense poète grec Yánnis Rítsos (qui a reçu le Prix Lénine pour la paix) : « la dernière forme de liberté, c’est le silence ».
En ce qui concerne, The Wise Child, c’est là un livre inventé de toutes pièces, et nous avions d’ailleurs envisagé de lui donner d’autres titres bien plus drôles.
Enfin, toutes ces citations et ces références bibliographiques fournissent des indices sur la personnalité de ce moine ; elles étayent son personnage. À cet égard, je me souviens que lorsque j’ai écrit Le Prix du désir, j’avais le sentiment qu’il manquait quelque chose à mon scénario. J’ai soumis sa lecture à mon ami Harold Pinter, qui m’a dit : « Ce scénario est très bien ; tu dois faire ce film mais il te manque la carte d’identité de ton héros ». Les lectures et les propos que cite Roberto Salus dans le film sont donc les détails qui façonnent son profil et constituent sa carte d’identité, celle d’un intellectuel, d’un homme de foi habité par une certaine pensée. Il était important pour moi tout comme pour Toni Servillo de savoir ce que ce moine aimait.
Le constat que vous dressez de la nébuleuse économique qui gouverne le monde aujourd’hui est loin d’être reluisant. Vous ne mâchez pas vos mots pour décrire la démocratie et les hommes politiques actuels. Et contre cet état de faits, que l’on pourrait qualifier de nihiliste, vous faites dire à l’un de vos personnages que les théories moralistes ou les utopies consolatrices ne pourront rien changer. Cependant, vous semblez ne pas vous laisser aller à un pessimisme total. Diriez-vous que votre conservez à titre personnel une lueur d’espoir, une foi dans l’humanité ?
Absolument. C’est un film dans lequel il y a un espoir fondamental : que le bien est possible, que la bonté est possible.
Pourtant dans votre film, l’un des protagonistes avance l’argument que tous ceux qui ont essayé de faire le bien ont fait pire que mieux.
C’est là un alibi politique symptomatique d’une pensée réactionnaire. Certes, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Mais ce que dit Roberto Salus à ce sujet est décisif : il convient d’agir, et avant cela, il faut trouver l’action juste. Et les propos de ce moine ne sont pas de l’ordre de la prédication.
Mais trouver l’action juste implique un effort. Diriez-vous que cet effort devra être de l’ordre du spirituel, un mot qu’il ne faut pas nécessairement prendre au sens religieux ou strictement moral du terme mais qui se rapprocherait peut-être plus d’une forme d’éthique que le poète Pierre Reverdy définit dans Le Livre de mon bord comme l’esthétique du dedans ? Par ailleurs, lorsque l’on regarde votre film, on ne peut s’empêcher de songer à cette phrase attribuée [3] à Malraux : « Le troisième millénaire sera spirituel (religieux) ou ne sera pas ».
C’est absolument vrai. Pouvons-nous imaginer une révolution autre que celle qui vienne de nous-mêmes ? Pouvons-nous envisager une autre révolution que celle qui vienne de notre âme ? Il faut d’ailleurs remarquer que l’on a aujourd’hui beaucoup de peine à utiliser le mot « religieux » car on en oublie la dimension humaine, à savoir : ce qui nous relie aux autres. J’ai le sentiment que notre société contemporaine banalise et diabolise le religieux. Et pour compléter ce que je vous disais précédemment sur le conflit islamiste, j’ai le sentiment que l’instrumentalisation de la religion est le symptôme d’un problème plus fondamental : la séparation de la religion et de la politique. Il s’agit d’une étape que l’Occident a franchie il y a plusieurs siècles mais qui n’a pas encore été accomplie partout. Ceci a pour résultat que pour maintenir leur pouvoir et le prestige de leur puissance, certains états instrumentalisent la religion. Le très grand poète syrien, Adonis l’a d’ailleurs exprimé très clairement en soulignant que la religion est empreinte de domination, de pouvoir et d’emprise. C’est ce qui explique que dans notre société contemporaine on préfère utiliser le mot spirituel au mot religieux car compte tenu de notre histoire politique, on persiste à voir dans la religion un instrument du pouvoir, qui ne laisse pas d’espace à la liberté de penser et de questionner. Utiliser le mot « religieux », serait aujourd’hui se mettre en péril, le péril d’être instrumentalisé.
(Propos recueillis par Christie Huysmans)
[1] Cfr. ’Confessions Saint-Augustin’, Livre XI La création du monde et le temps
[2] Cfr. ’Confessions Saint-Augustin’, Livre XI La création du monde et le temps, Chapitres 18 à 23. Saint-Augustin ne considère pas la présence comme un moment du temps (par opposition au passé et au futur) mais ce dans quoi les trois dimensions du temps se déploient : le présent de ce qui s’est passé (la mémoire), le présent des présents (le regard) et le présent des futurs (l’attente). Cela dit, cette distension, ce déploiement de l’esprit ne définit aux yeux de Saint-Augustin que le temps tel que l’homme l’éprouve lorsqu’il est seul. Dès lors qu’il se distend vers Dieu, le temps de l’esprit se dépasse vers l’horizon infini de l’espace, l’éternité.
[3] Malraux a toujours démenti avoir prononcé cette phrase, et le terme « spirituel » est parfois substitué au terme « religieux ». Par contre, il a bel et bien écrit : « Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu’ait connu l’humanité, va être d’y réintroduire les dieux. »