Après trois courts-métrages remarqués sur la scène internationale et, ’De leur vivant’, un premier long-métrage particulièrement abouti, la jeune réalisatrice belge Géraldine Doignon, nous revient avec ’Un homme à la mer’. Rencontre avec une cinéaste aussi talentueuse que généreuse, mue par un jusqu’au-boutisme serein, habitée par la force tranquille de ceux qui voient où ils veulent aller, mais qui ont l’humilité de savoir que même si l’on écrit dans la solitude, on n’écrit jamais seul et qu’a fortiori, on ne réalise pas un bon film sans s’assurer la confiance et la complicité de toute une équipe.
Lorsqu’on regarde vos deux longs-métrages, on est frappé par la précision de votre mise en scène ainsi que par le remarquable travail d’épure effectué, notamment au niveau des dialogues. Ceci ne peut que résulter d’un long travail d’écriture qui d’une part, est précédé en amont d’une patiente phase de « sédimentation » et de maturation, et qui se poursuit, en aval, par un gros travail de sape, et ce, en deçà de l’écriture à proprement parler. Ce constat est-il correct ?
En effet, c’est assez vrai. Mon objectif est avant tout de faire des films de cinéma. Dans cette perspective, il n’est pas toujours facile de faire passer à travers l’image, le cadre, le son, la musique et la mise en scène… toutes les choses que l’on souhaite exprimer au-delà des mots. Par conséquent, le processus d’écriture est assez long, voire laborieux. Personnellement, je suis extrêmement touchée par des films sensitifs, des films d’atmosphère, qui utilisent des outils proprement cinématographiques, et qui ne sont pas dans le langage. J’essaie donc toujours d’être dans l’épure au niveau des dialogues et de laisser aux spectateurs la possibilité d’entrer dans un champ émotionnel où tout n’est pas expliqué. Ceci implique qu’au niveau du scénario, il y a une grande recherche visuelle. Je m’inspire de tableaux, de photos que je prends parfois moi-même, d’images ou des petites bribes de vie que je capte çà et là. Il peut s’agir d’une lumière particulière, du souffle du vent dans les arbres, d’un regard, d’une personne qui fait un geste particulier dans un café… Je prends beaucoup de notes, j’accumule tous ces petits détails, et petit à petit se dessine un kaléidoscope que je vais essayer d’intégrer dans l’histoire que je veux raconter. Par après, je vais m’efforcer de trouver un fil narratif fort qui, selon certains, peut paraître simple, mais qui, à mes yeux, pourra permettre au spectateur de faire le trajet lui-même. À titre d’exemple, lorsque j’ai réalisé De leur vivant, l’histoire me touchait personnellement car je venais de perdre ma grand-mère, et avec les membres de ma famille, nous avions été confrontés aux actions et questions qui se posent nécessairement en cas de décès : il faut vider l’appartement, que fait-on de ses affaires ?, quel est l’après pour ceux qui restent ?, quelle est l’imprégnation de la personne disparue sur les vivants ?... Tout cela était donc très concret. Par la suite, j’ai essayé de traduire à travers l’image des choses plus abstraites : faire vivre la maison, rendre visuellement palpable l’absence de la mère… Évidemment, il y a des dialogues ; les gens se parlent mais je me suis efforcée de rester dans le non-dit et le sous-texte, et de faire vivre tous ces personnages de manière isolée sans qu’ils ne s’adressent la parole. Et le trajet à effectuer dans De leur vivant, c’était de faire en sorte que ces personnages retrouvent la parole et la sincérité entre eux.
Il se dégage de l’ensemble de votre film une immense harmonie entre le fond et la forme, entre l’histoire, l’évolution des personnages, le rythme narratif, les lieux, la lumière, la photographie et la musique. Tout cela nécessite une minutieuse et étroite collaboration tant avec les comédiens qu’avec l’équipe technique en amont du tournage.
Oui, en effet, il y a une énorme implication des comédiens et de tous les membres de l’équipe technique et artistique, qui nourrit et enrichit l’écriture du scénario. C’est un mouvement de va-et-vient, qui permet d’aboutir à l’harmonie recherchée. Je suis extrêmement demandeuse de propositions de la part des comédiens. Avec Yoann Blanc et Jo Deseure, nous avons beaucoup réfléchi ensemble à leurs personnages, à la « pré-histoire » du film, au trajet qu’ils effectuent, à leur transformation (un élément capital pour moi), à ce qu’ils deviennent à la fin du film et ce qu’ils seront au-delà de l’histoire. Pour moi, un film n’est qu’une partie de la vie des gens ; les personnages ont existé avant ; ils existeront après. J’essaie de dire aux spectateurs : ce sont des personnes que vous pourriez connaître. Il y a donc une recherche de proximité émotionnelle forte avec un très haut potentiel d’identification. Avec les comédiens, nous avons très peu travaillé sur les dialogues. La préparation réalisée en amont avec eux s’est avant tout concentrée sur tout ce qui touche à l’émotionnel non verbal (les gestes, les attitudes, les mouvements du corps, le regard …) et tout cela est d’ailleurs bien plus apporté par les comédiens que par moi-même. Pour ce qui est de l’aspect technique, tous les postes artistiques sont également sollicités très tôt dans la préparation du film : le chef opérateur, l’ingénieur du son, le compositeur, la déco, les costumes… Il s’agit là d’un travail très important à mes yeux, que j’aime d’ailleurs beaucoup faire. Avec Colin Lévêque, le chef-opérateur, nous avons lu et relu le scénario, et avons recherché tout ce qui était sous-jacent au texte de manière à le matérialiser à travers l’image. Nous avons également effectué tous les repérages ensemble.
Vous semblez également accorder une importance particulière aux lieux qu’ils soient intérieurs ou extérieurs. Déjà dans votre premier film mais plus encore dans Un homme à la mer, on a le sentiment que les lieux intérieurs habitent vos personnages plus qu’eux-mêmes ne les habitent vraiment, et qu’a contrario, les lieux extérieurs agissent comme des révélateurs, comme des catalyseurs sur leur état d’âme et leur offrent la possibilité de donner plus d’amplitude à leur être, de poser un regard distancié sur eux-mêmes, de trouver leur place dans le monde, de comprendre ce qu’ils sont intrinsèquement notamment en entrant en communion avec la nature.
Tout à fait. Les lieux ont un rôle essentiel dans l’écriture, la composition d’ensemble du film ainsi que dans la construction des personnages. Dans Un homme à la mer, nous avons essayé d’effectuer un trajet géographique, symboliquement révélateur de l’évolution des personnages. Dans la première partie du film, qui se passe à Bruxelles, Mathieu travaille dans un labo, un lieu totalement fermé où la lumière est artificielle. Il a constamment le nez collé à son microscope. Sa vision des choses est donc très limitée et les lieux clos, presque claustrophobiques, dans lesquels il évolue (son appartement, les cafés,…) l’empêchent non seulement d’être en phase avec la temporalité du monde extérieur mais pèsent aussi énormément sur ses émotions. Nous avons d’ailleurs beaucoup filmé la nuit, ce qui est aussi significatif quant à son état d’esprit. Lorsqu’il décide de partir, le trajet en train opère déjà comme une libération, et par la suite, le contact avec la nature (l’océan, l’horizon, la luminosité extérieure…) lui permet un retour aux sources. Il renoue avec un rythme naturel qui, petit à petit, l’amène à se retrouver et à contempler plus sereinement l’espace qu’il peut occuper dans le monde.
Pourriez-vous nous parler de vos sources d’inspiration et de vos influences qu’elles soient propres à l’univers du cinéma ou au-delà du 7ème art ?
Pour Un Homme à la Mer, le point de départ est article qui relatait en Angleterre la disparition d’une femme d’une soixantaine d’années, qui avait apparemment tout pour être heureuse. La police en était venue à la conclusion qu’il s’agissait d’une fugue. J’ai été également influencée par Lost in translation de Sofia Coppola. J’ai été touchée par la relation d’amitié qui s’y noue, et qui, dans mon film est, d’une certaine manière, inversée. Par ailleurs, plus globalement, j’admire le travail de réalisateurs aux univers très différents. Étudiante, j’ai été marquée par le travail de Kieślowski, et j’ai d’ailleurs fait mon mémoire de fin d’étude sur Le Décalogue. Dans ce film, comme dans La Double Vie de Véronique, il y une émotion, une sensibilité organique, parfois abstraite, que je trouve superbe. Par ailleurs, dans la tradition du cinéma français, j’aime beaucoup les films de Sautet et de Tavernier qui mettent en scène des personnages simples, proches de monsieur et madame tout le monde, mais dotés d’une extraordinaire humanité. Ken Loach m’a aussi beaucoup marquée, notamment avec Ladybird. Dans un tout autre ordre d’idées, j’aime aussi les films que je qualifie de films de réalisation tels que ceux de Terence Malick ou de Kore Eda. Enfin, j’aime aussi beaucoup le cinéma nordique, qui est très épuré, où l’espace et les émotions sont intiment liés. J’apprécie notamment la filmographie de Susanne Bier.
En dehors du cinéma, côté littérature, j’aime les polars (peut-être ferai-je un jour un film policier ?), la littérature américaine, et en France, j’apprécie les œuvres de Delphine de Vigan, d’Olivier Adam, d’Emmanuel Carrère et de Pascal Quignard (sur les conseils de Jo Deseure, j’ai d’ailleurs lu Les Solidarités Mystérieuses en préparant Un homme à la mer)… En peinture, nous avons beaucoup regardé les tableaux d’Hopper, surtout pour le cadre, la composition de l’image eu égard au rapport des personnages à leur environnement. J’affectionne aussi l’impressionnisme : la délicatesse des petites touches de peinture, le travail sur la lumière, les reflets du soleil dans l’eau… Étant sensibles à tout ça, cela a inspiré notre approche de certains plans : la main de Mathieu dans l’eau, les flous, les mises au point, le suivi du regard qu’il soit dans la proximité ou au contraire dans l’éloignement…. À plusieurs reprises, nous nous sommes efforcés de matérialiser visuellement, grâce à la technique, la psychologie des personnages. À titre d’exemple, concernant la scène où Mathieu téléphone à sa femme d’une cabine téléphonique, nous avons utilisé une optique spéciale qui nous a permis de flouter tout ce qui l’entoure sauf lui, de manière à rendre sensible le fait qu’il soit enfermé dans une petite bulle. En photographie, l’œuvre de Stephane Vanfleteren me parle beaucoup : les portraits qu’il réalise en noir et blanc, la manière dont il capture les êtres dans leur environnement. Cela dit, pour Un Homme à la mer, il n’a pas été notre seule source d’inspiration. Avec Colin Lévêque, nous avons regardé un très large panel de photographies.
Une partie de votre film se déroule sur l’île d’Oléron. Pourquoi cette île en particulier ?
Je connais cette île depuis très longtemps mais j’avais aussi envisagé de tourner en Bretagne. La Corse avait aussi été évoquée, et à un moment donné, il était même question de tourner au Québec. Puis, pour mille et une raisons, les choses ne se sont faites ni en Bretagne ni au Québec. Nous avons donc soumis le scénario à la Charente-Maritime, qui, très vite, a été très enthousiasmée par le projet et s’est montrée désireuse de nous apporter son soutien financier. Nous avons donc fait de nombreux repérages sur l’île d’Oléron et nous y avons trouvé des lieux merveilleux. L’hôtel où réside Mathieu avec l’adolescente, par exemple, est à lui seul un endroit extraordinaire et extrêmement inspirant : tel un cube posé à proximité du phare, il a été construit dans les années soixante et son propriétaire tenait à ce que son architecture ressemble à celle des motels américains. Le papier peint de certaines chambres est toujours d’époque ; il y a un long couloir absolument incroyable mais que l’on ne voit pas dans le film, il y a aussi la lumière des néons… J’ai même réécrit certaines scènes en fonction des lieux que nous avions repérés. Pour le moment, tourner en studio ne m’attire pas du tout car je préfère travailler dans des espaces qui ont un vécu. Cela m’oblige certes à m’adapter à l’existant mais cela nourrit mon inspiration et mon histoire, et je préfère cela plutôt que de construire en studio tout ce que j’ai en tête.
Faut-il voir une portée symbolique à ce choix insulaire ? Est-ce une manière de nous dire que chacun est une île (un être isolé) ou que nous avons tous au fond de nous la singularité mouvante d’une île ?
Oui, tout à fait. Il y a aussi l’importance du voyage, qui a été le second point de départ du film. Personnellement, j’ai toujours aimé beaucoup voyager. La prise de distance qu’offre le voyage, le retrait en dehors du quotidien qu’il procure, m’ont toujours permis de voir les choses avec beaucoup plus de lucidité et d’atteindre une réflexion plus juste et plus sereine que lorsque l’on est balloté dans le tumulte de la vie de tous les jours. Dans le film, ce voyage sur l’île d’Oléron (qui n’est toutefois pas une rupture longue ni totale) permet aux deux personnages de prendre davantage conscience des questions qui les taraudent, de les regarder en face et d’atteindre une nouvelle clairvoyance quant à leur vie. C’est sans doute ce que nous devrions tous faire plus régulièrement, un peu comme lorsqu’on pratique un sport : prendre le temps de se poser plus souvent dans le présent, se demander si l’on est heureux et que faire pour l’être, se demander si l’on est toujours bien dans son couple, si l’on est en phase avec soi-même et sa vie professionnelle… C’est sans doute l’un des messages du film. Bien sûr, tout le monde ne peut se permettre le luxe de voyager souvent ou loin mais même passer une journée à la côte belge ou faire une balade en forêt permet déjà cette prise de recul.
Vous semblez aussi unir avec beaucoup de subtilité l’espace et le temps. Le voyage, le changement d’espace où se déploie une plus vaste ouverture sur le présent, permet d’une part à Christine d’aller « à la recherche du temps perdu », (cette fugue est pour elle une manière de faire le deuil de son passé), et offre, d’autre part, à Mathieu la possibilité de faire de faire le deuil d’un futur qu’il croyait totalement bouché. Cette capture du « temps sensible » et quasi proustien est palpable dans la photographie d’ensemble du film et se matérialise dans certains plans fixes.
Oui, c’est tout à fait exact. C’est du moins ce que nous avons essayé de faire. La maison où se réfugie Christine incarne non seulement son passé mais constitue aussi pour Mathieu son futur. Il y a donc en effet un rapport très étroit entre le temps et l’espace, qui est par nature très abstrait, et qui, à ce titre, est extrêmement difficile à communiquer. En ce qui concerne la mise en scène, je n’ai pas nécessairement cherché à le rendre visible mais au niveau de notre « cuisine interne », cette dimension a participé à la construction des personnages. Personnellement, je n’aime pas les films où les choses évoluent trop vite et où il arrive un nombre peu crédible d’événements aux personnages. Le cheminement intérieur de mes personnages se déroule lentement mais je crois qu’il est juste. Aussi lorsque mes personnages se posent des questions identitaires (telles que : qui j’étais, qui je suis, qui ai-je envie d’être), celles-ci émergent dans des lieux qui les amènent progressivement à se révéler. Lorsque Mathieu quitte Bruxelles, il ne sait pas exactement pourquoi il part ni ce qu’il recherche. La seule chose dont il a conscience, c’est qu’il n’est pas heureux. Et le fait de partir, de s’éloigner de ce qu’il ne veut plus, va lui permettre de retrouver ce dont il avait rêvé plus jeune, ce qu’il avait envie d’être avant même d’avoir passé dix ans enfermé dans son labo. Le fait pour lui de se remémorer ce qu’il avait presqu’oublié sur lui-même lui permet de transformer son futur. Pour Jo, par exemple, la réminiscence de certains souvenirs se fait notamment lorsqu’elle ouvre cette armoire remplie de vêtements. Les odeurs qui en émanent, le fait d’enfiler ces vieux vêtements, raniment sa mémoire. Même chose pour tous ces objets qu’ils exhument du hangar.
Concernant, le rapport au passé, celui-ci est traité d’une façon très ambivalente, qui mélange une mélancolie joyeuse et une gaieté triste. Et cette alliance de sentiments, a priori contradictoires, ont la capacité d’éclairer le présent et de le régénérer.
Oui tout à fait. Dans la vie, on est tous amené à faire des choix, qui seront déterminants pour la suite de notre vie. Comme le dit Christine dans le film, on a toujours le choix de partir ou de rester, par exemple. Mais au moment de prendre une décision, on ne sait pas toujours si cette décision est bonne ou mauvaise, et l’on peine souvent à en identifier la motivation exacte. Ce n’est que bien plus tard que l’on prend conscience de la portée ou de l’impact des choix que l’on a opérés ainsi que des erreurs commises. Heureusement, l’occasion nous est donnée de les réorienter. Dans le film, la mélancolie et la nostalgie ne sont pas négatives, elles sont au contraire des passerelles vers la possibilité d’un changement.
Même si vos deux longs-métrages racontent deux histoires très différentes, on ne peut s’empêcher de relever certaines similitudes tant sur le fond que sur la forme. Certains thèmes sont récurrents mais explorés très différemment. On songe notamment à la disparition de la figure maternelle, au thème de la fugue, voire de la fuite devant la réalité, le deuil au sens large, la difficulté de communiquer avec les autres (surtout lorsqu’ils sont proches, au sein du couple ou au sein du microcosme familial), le rapport complexe à soi et à l’altérité ainsi que la quête identitaire. On peut dès lors supposer que ce sont des sujets qui vous tiennent particulièrement à cœur.
Oui, en effet. La quête de soi, le fait d’identifier ce que l’on est et ce que l’on veut, ainsi que son contraire, l’immobilisme et la résignation, sont des thèmes qui me parlent beaucoup. Face à des gens qui n’ont plus la force ou le courage de se poser des questions, qui sont blasés ou se montrent résignés face à leur sort, j’ai toujours envie de les bousculer. J’ai l’impression qu’on doit sans cesse se questionner, interroger les sources de son éventuelle insatisfaction et se demander ce que l’on fait pour se battre pour son bonheur et résister à la peur du changement.
D’où votre volonté d’insuffler dans vos films la lueur de l’espoir ?
Oui, je pense qu’il faut toujours croire à la possibilité d’une transformation, et j’essaie vraiment de faire des films où il y a de l’espoir. S’il y a questionnement, celui-ci doit être constructif et positif. Et les changements opérés ne doivent pas être nécessairement gigantesques. Mes personnages ne sont pas des super-héros ; ce sont des êtres tout à fait ordinaires à qui tout le monde peut aisément s’identifier mais qui trouvent l’énergie de travailler à leur bonheur et qui ont l’audace de remporter de petites victoires sur eux-mêmes et sur la vie.
L’écriture, la réalisation et le feed-back que vous en retirez ont-ils pour vous des vertus cathartiques ?
Oui, principalement dans le processus d’écriture. Toutes les questions que se posent mes personnages, je me les suis posées en cours d’écriture. Cela dit, si le résultat est cathartique, il n’est pas thérapeutique. L’idée n’est pas du tout de me dire : je vais mal, et écrire va me permettre d’aller mieux. Pas du tout. C’est une manière de m’exprimer, de filtrer toutes les interrogations qui m’interpellent et d’entrer en émotion et communication avec les autres. Il est d’ailleurs parfois très marrant d’entendre les commentaires de mes amis ou de mes proches, qui en voyant le film, me révèlent des choses qu’ils ne m’ont jamais dites auparavant. À ce titre, le cinéma devient une sorte de medium entre mes proches et moi. Par ailleurs, lors des projections-débats, les réactions et les commentaires du public sont souvent très touchants. À la sortie de mon premier film, les gens venaient me parler de leur propre histoire, ils me disaient ce qui les avait émus dans le film, les messages qu’ils en retiraient personnellement tant par rapport à leur vécu qu’à leur manière d’envisager l’avenir. C’était très émouvant.
Quels sont vos projets pour le futur ?
J’aimerais explorer le documentaire, qui est un domaine dans lequel je n’ai encore jamais travaillé. C’est une envie qui me tenaille depuis longtemps, et je crois que l’exercice me permettra d’être davantage en prise avec la réalité et d’être encore plus proche des gens. Cela m’offrira la possibilité d’être au service d’une parole réelle.Kieślowski faisait ça ; il alternait œuvres de fiction et documentaires, et je trouve la démarche intéressante car les deux disciplines se nourrissent mutuellement. Pour le moment, je n’ai toutefois pas encore d’idée précise sur le sujet que je souhaiterais aborder.
(Propos recueillis par Christie Huysmans)