Dessin animé
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Coup de coeurZARAFA

Rémi Bezançon & Jean-Christophe Lie (France 2011)

les voix de Ronit Elkabetz, Thiérry Frémont, Simon Abkarian,

78 min.
15 février 2012
ZARAFA

Quel joli film qui ouvre les yeux enfants (et maintient ouverts ceux des parents les plus désabusés) aux réalités du Monde avec émotion, pertinence et goût prononcé pour l’Aventure.

Ne faisant pas l’impasse sur des vérités (le racisme, l’abandon, l’exploitation des êtres humains) dont les arêtes cruelles n’appartiennent pas, hélas, qu’a l’Histoire.

Mais ce parti pris de lucidité est développé avec un souci de compenser la brutalité des faits par une mise en scène animée, haute en couleurs (on pense à Kirikou *) et en style (comme chez Sylvain Guimet), des rencontre chaleureuses et une jolie réflexion (pédagogique et non moralisatrice) sur les valeurs qui font que la vie, malgré ses périls et ses déconvenues, vaut la peine d’être affrontée.

Ces valeurs de solidarité, d’amitié et de ténacité dont nous avons tous de 7 à 77 ans et même au-delà urgemment besoin.

Nous sommes dans les années 1820 en Afrique. Le pacha d’Egypte, Méhémet Ali, décide d’offrir en cadeau au roi de France, Charles X, une girafe. Se souciant peu de rompre les liens d’affection qui se sont installés entre celle-ci et Maki, un garçonnet de 10 ans.

Cette histoire est à la fois un conte raconté par un vieil homme aux plus jeunes qui l’écoutent mais aussi un authentique road movie qui, en passant par la savane, le désert, le Caire, les Alpes et Paris, raconte l’arrivée en 1827 à Marseille d’un animal élégant, symbole à l’époque de pouvoir pour celui qui le reçoit et de respect (sujétion ?) pour celui qui l’offre.

Amusant, prenant, sollicitant l’imagination des spectateurs, l’incitant à se demander la place qu’occupe cette étrange bête dans son bestiaire intime, « Zarafa » est aussi l’occasion d’évoquer, en grâce et en finesse, les relations qui existent entre l’homme et l’animal, les aînés et leurs cadets, la nature et les êtres vivants, le monde dit civilisé et celui longtemps qualifié de « primitif » (**).

De Rémi Bezançon on se souvenait surtout de la justesse émouvante du « Le premier jour du reste de ta vie ».

Maintenant on se souviendra aussi de la belle alchimie (au timing parfait : 78 minutes) entre des images simples et poétiques et une saga (africa ?) qui fait du courage, de la résistance des occasions à la fois de dénoncer les recoins sombres du colonialisme et de ne pas désespérer d’une humanité en quête de liberté et de fraternité.

Même si les étymologistes les plus distingués se refusent à voir un lien entre le nom commun girafe et le mot arabe zarafa (« charmante »), ils ne peuvent refuser à ceux qui sont emballés par ce récit généreux et profond d’estimer qu’il a tout pour faire un film …

Charmant.  

Pour cela point besoin de 3D ou autres trucs technologiques. Juste de l’élégance, de la tendresse et quelques inspirations picturales (les couleurs des Orientalistes du XIX) qui réjouissent l’oeil pour cibler le coeur. (mca)

(*) ce qui est normal quand on sait que Jean-Christophe Lie a collaboré au volet 3 de la série, « Kiri-kou et les bêtes sauvages » de Michel Ocelot.

(**) à ce propos se tient au Musée du Quai Branly à Paris jusqu’au 3 juin 2012 une superbe exposition sur un thème toujours d’actualité : « L’invention du sauvage ».