Adaptation d’un livre
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WURTHERING HEIGHTS

Andrea Arnold (GB 2011)

Kaya Scodelario, Oliver Milburn, Nichola Burlay, James Howson

128 min.
2 mai 2012
WURTHERING HEIGHTS

Le cinéma, Cocteau l’a symboliquement mis en mots, « c’est filmer la mort au travail ».

C’est aussi pour le spectateur la nécessité de pouvoir faire son deuil. Et d’accepter que le film qu’il a sous les yeux, même s’il n’est pas à la hauteur des souvenirs qu’il garde de ses versions antérieures, vaut la peine d’être regardé avec des yeux neufs.

Sans préjugé, ni a priori, ni jugement.

Avec « Wuthering … » la besogne est doublement délicate. Parce qu’il faut à la fois oublier combien la cinéaste a été, dans ses œuvres précédentes, intéressante et à la fois admettre que les points de vue de William Wyler (1937) et de Peter Kosminsky (1992) (*) appartiennent au passé.

Même si l’époque actuelle est moins propice au romantisme échevelé et aux grandes envolées lyriques chez Andréa Arnold la violence, la rébellion, le style brut et sans artifice sont toujours au menu.

Qu’il s’agisse de l’histoire d’une opératrice dans une société de video surveillance dans « Red road » ou d’une adolescente éprise de hip hop dans « Fish tank », l’efficacité de mise en scène épouse la tension de la narration.

C’est précisément pour ces mêmes « qualités » que ce « Wurthering … », inspiré du chef d’œuvre d’Emily Brontë, laisse une étrange impression de trop ou de pas assez.

Trop de réalisme, d’austérité, d’aspérité là où on aurait aimé plus de finesse et de distance charnelle vis-à-vis des personnages filmés avec une proximité suffocante qui empêche l’imaginaire de se déployer.

Pas assez de romanesque, de sensibilité, de contention - tout est tellement montré, exploité, souligné que le crescendo émotionnel qui devrait saisir les héros s’enlise dans un corps-à-corps sans âme.

Un peu comme si la puissance et l’audace du point de vue de la cinéaste - mettre en évidence les contretemps de la montée du sentiment amoureux et du désir sexuel chez la jeune femme et chez le jeune homme - ne trouvaient à s’incarner qu’au coeur d’un chapelet de clichés.

Transformant tous les plans en face à face sauvage, les landes du Yorkshire en paysages de désolation et le vent en élément cruel qui déstabilise autant qu’il met à nu les relations affectives et sociales.

Chez Brontë, comme chez Arnold il n’y a pas que les sentiments des uns et des autres qui vivent déboîtés, les rapports de classe (**) sont tout aussi décalés et vécus sur le mode d’un affrontement qui inclut l’humiliation, la jalousie, le besoin de vengeance.

Film sombre, taciturne, intranquille qui ne laisse aucune place à la tendresse, à l’espoir, à la confiance, « Wurthering … » se voit le dos ployé par la fatalité.

Comme si le spectateur était lui aussi devenu un élément du décor de ces moors balayées par d’incessantes tempêtes tendues comme des arcs dont les flèches sont aussi sonores que blessantes. (mca)

(*) avec respectivement dans les rôles de Cathy Earnshaw et Heathclift le couple Merle Oberon/Lawrence Olivier ou Juliette Binoche/Ralph Fiennes.

(**) et de race ? – chez Emily Brontë, Heathcliff est un bohémien, chez Arnold il devient un métis