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WOODY ALLEN : A DOCUMENTARY

Robert R. Weide (USA 2012)

Diane Keaton, Scarlett Johansson, Dianne Wiest, Mariel Hemingway ...

113 min.
1er août 2012
WOODY ALLEN : A DOCUMENTARY

Entre gazon et béton, le spectateur hésite 

A-t-il devant lui un espace vert dont aucun brin ne fait tache ou une masse de clichés qui, par leur consensualité, font obstacle à saisir un personnage dans toutes ses contradictions ?

Dans le premier cas, on n’a qu’une envie : piétiner cette belle ordonnance et chercher les taupes qui minent l’égalité du terrain.

Dans le second on se sent floué par ce flot continu d’éloges. Dont on se dit que l’abondance doit bien mettre à mal la timidité et la modestie proverbiales de celui qu’elles concernent.

Convaincu que derrière ces entretiens de type « n’enfoncer que des portes ouvertes » - en effet qui, aussi lambda soit-il, songerait à remettre en question la formidable énergie créatrice d’un artiste qui, même s’il n’a pas fait que des chef d’œuvres a néanmoins produit plus de films intéressants que la plupart de ses contemporains - doit se cacher une intimité jalousement défendue.

Raison pour laquelle sans doute la seule personne, Mia Farrow, qui aurait pu apporter un éclairage plus sombre sur le cinéaste et lui rendre ainsi la complexité tourmentée que l’on apprécie dans ses films n’est évoquée que superficiellement. Est-ce par diplomatie ou flagornerie que son témoignage n’a pas été recueilli ?

Il y a chez Woody Allen une stratégie bien rôdée qui fait barrage à toute intrusion qui pourrait écorner ce qu’il accepte de montrer ou de dire de lui-même.

Un subtil art de l’esquive qui le rend « inscrustable » et auquel il collabore activement en donnant lui-même, avec une tactique bien dosée entre gentillesse, ironie et intelligence, les munitions pour épingler ses addictions à la frustration, à l’angoisse, au sentiment de n’avoir réalisé aucun film qui pourrait se mesurer à ses maîtres, Bergman et Fellini.

On sait que Woody Allen est moins un styliste qu’un mono ou dialoguiste. Pour lui, dépeindre les sentiments de ses personnages ou les inscrire dans leurs contradictions, n’est pas une affaire d’images, comme chez Michael Mann ou Terrence Malik par exemple, mais de paroles.

Incurablement disert et bavard comme si le verbe était à la fois une manière de se dire et de se cacher. De rester dans ce narcissisme cocoonant qui fait sans doute de sympa bonus mais qui ne rend pas un documentaire consistant ou tout simplement intéressant.

Woody Allen est comme ce quartier de New-York qu’il aime tant, Manhattan, pour le découvrir il vaut mieux délaisser le Baedeker (ou le Michelin ou le Routard) et ne se laisser guider que par son intuition et ses propres découvertes piochées dans une revisitation de ses meilleurs films. A chacun de déterminer les siens.

On en sortira la tête moins farcie d’anecdotes, d’archives et d’entretiens (les 3 souvent dispensables) mais plus heureux. (mca)