Adaptation d’un livre
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WHITE BIRD IN A BLIZZARD

Gregg Araki

Shailene Woodley, Eva Green, Christopher Meloni, Angela Bassett

91 min.
12 novembre 2015
WHITE BIRD IN A BLIZZARD

Après Ka boom , teen movie virant au film de vampires, Gregg Araki adapte, « sagement » le roman de Laura Kassischke : Un oiseau blanc dans le brouillard . De nouveau, le cinéaste américain tisse une histoire par le prisme d’une adolescente : White Bird , ne se situe pas dans le campus d’un collège, mais dans l’intimité d’un parfait pavillon américain, délaissé par les studios de Desperate Housewife.  Dans ce décor idyllique, Gregg Araki nous parle de l’affranchissement intime et social de deux femmes, avec douceur et endurance. 

Après une journée ordinaire, Kat O ’Connors, jeune femme de 17 ans, sort du bus de l’école, The Cure  aux oreilles, et rentre chez elle. Elle découvre dans le living étrangement sombre, son père, livide, lui annonçant la disparition de sa mère. Sans mélodrame, nous suivons les tribulations d’une adolescente se débattant face à une absence. 

Eve O’Connors, la disparue, femme au foyer exemplaire, serait passée à côté de sa vie. Araki construit une Eva Green décrépite, tantôt femme perverse, tantôt hystérique. Les performances de l’actrice frôlent la perfection, on assiste au cadrage parfait d’une femme prisonnière de sa condition, se révoltant lorsqu’elle doit une nouvelle fois préparer le dîner. D’après Kat, sa mère se serait libérée de sa cage dorée, pour vivre enfin. Pour l’adolescente, le départ de Eve est, dans les premières parties du film, une libération, qui ferait instinctivement écho à la sienne.

Le spectateur est plongé dans la douce narration des souvenirs d’une adolescente, sous une efficacité hollywoodienne, réfléchie et édulcorée. Kat s’affranchit ensuite de différentes façons. Araki ne nous montre jamais une femme vulgaire ou inconsciente car la balance est toujours plus lourde face à la pétrification du père et des adultes, qu’ils soient chef d’entreprise ou psychologue…

Passez cette narration étonnamment « classique », le cinéaste nous plonge lentement dans le subconscient de Kat, hantée par d’étranges rêves enneigés. Ce sont les moments intentionnellement stagnants, mais poétiques de White Bird . A l’écoute de ce personnage nous guettons l’adolescente, en quête de profondeur et de vérité. Kat, parle de Phil, son premier amant et voisin, comme « une surface ou lorsque l’on gratte, elle reste surface. » 

Né d’une intention de contre-emploi du cinéaste, le casting est assez attachant, et apprécié, pouvons-nous penser, par les acteurs : le visage sensuel de l’héroïne, Shailene Woodley (Kat), l’anonymat du père, Christopher Meloni, et la maigreur d’Eva Green, laide de frustration. 

Araki les filme enfin assez justement. Avec d’imposants cadres larges, le cinéaste nous offre en spectacle toute la distance entre ces êtres. On pense furtivement à Patricia Arquette et Bill Pullman dans Lost Highway , et de ces scènes filmées dans la maison de Lynch. Les scènes ne sont donc pas seulement poudrées d’une lumière jaune ou rose, elles sont parfois étrangement filmées. Araki dirige même ses acteurs et la caméra dans des espaces et des « angles morts. », pour laisser libre cours à des émotions qui prennent le temps d’éclore, à l’image de l’énergie pré pubère.

Gregg Araki ne dénonce pas. Il montre des personnages se débattant, doucement, laborieusement, comme à l’entrée d’un nuage de brouillard. L’adolescence est pour Araki un sujet qui doit être porté par le cinéma : car ce sont des êtres qui vont vers ce qu’il désire. Ils tentent, trébuchent ou réussissent, mais ils récoltent toujours. On comprend que c’est le chemin de la recherche qui importe, comme pour la vision d’un film, ou simplement pour la vie qu’on traverse. Humble rappel. 

( Camille Lancelin )