Coup de coeur mensuel
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WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN

Lynne Ramsay (GB 2011)

Tllda Swinton, John C. Reilly, Ezra Miller

19 octobre 2011
WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN

Quand un enfant va manifestement mal, qui est malade ? Lui, sa mère, son entourage familial ?

Kevin (*) a presque 18 ans. Sur le point d’être transféré dans une prison pour adulte, il avoue ne plus connaître les motifs qui l’ont amené à commettre une série d’actes criminels pour lesquels, depuis 2 ans, il est enfermé dans une institution pour jeunes délinquants.

Cet aveu, il le fait a sa mère qui, autant qu’il semble la détester, semble incapable de l’aimer.

Que s’est-il passé entre ces deux êtres, écorchés et frustrés, pour que jamais entre eux n’ait circulé ce que Mauriac appelait le lait de la tendresse humaine qui permet de comprendre et de pardonner tant de choses ?

Là où le roman de Lionel Schriver (dont le film est une adaptation) tente d’apporter des pistes de réflexion sur l’étrange répulsion de deux individus à la fois semblables et en frontale opposition, la réalisation de Lynn Ramsay s’enlise dans un symbolisme – auquel on peine parfois, en raison de sa lourdeur, à adhérer - où tout commence dans l’insouciance d’une rencontre amoureuse.

Continue dans la disharmonie d’une vie familiale aux rôles paternel et maternel mal équilibrés et se clôt par un désastre annoncé avec logique et force rehaussées par un magistral usage de couleurs primaires qui giflent et tachent la pellicule de sinistres pressentiments.

« We need … » est le perturbant regard sur la morbidité d’un rapport entre deux personnes que la proximité chromosomique prend un malin (au sens de diabolique) plaisir à séparer, à faire souffrir.

A faire payer au prix fort le fait d’avoir enfanté, le fait d’avoir été enfanté.

Il y a des films illuminés par l’amour, il y en d’autres opacifiés par le manque de ce même amour.

« We need … » est de ceux-là. Il met face à face une femme contrainte (autant par elle-même que par ses proches) à mener une vie qu’elle n’aime pas et son enfant qui intuitionnant les vides et insincérités de celle qui prétend l’aimer fera voler en éclat la façade d’une famille qui à force de se vouloir moyenne a fini par faire semblant, par glisser sous le paillasson ses particularités et ses difficultés.

A fini par perdre le contact avec ses non-dits, ses angoisses et ses inaptitudes féroces au bonheur.

Lorsque les drames éclatent, le spectateur en est soulagé. Comme si une chape de tension le quittant, il n’aura plus à redouter ce qu’ il attend depuis la première scène du film.

Scène rêvée ou à tout le moins fantasmée par un personnage principal, une transcendante Tilda Swinton dont la densité hébétée étreint le spectateur autant qu’elle lui fait prendre conscience qu’il y a des mères, et ce n’est pas Elisabeth Badinter qui le démentira, pour lequel l’amour filial n’est pas inconditionnel.

Mais qu’il se gagne à la force des coups reçus, à l’aune des douleurs ravalées, à la plongée dans un passé revisité pour tenter d’en comprendre les erreurs.

Et laisser enfin entre percevoir, au bout d’une descente en soi comme on descendrait dans un égout, un timide bout d’azur dans un ciel zébré d’un rouge orageux.

Une possible réconciliation à laquelle on a envie de croire.

Pour éviter de quitter la salle de cinéma plombé par un chagrin dont on a oublié, porté par la force de son interprétation, qu’il est de fiction. (mca)

(*) un Ezra Miller aussi antipathique et dérangeant à souhait que dans « Afterschool » d’Antonio Campo.