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UN POISON VIOLENT

Katell Quillévéré (France 2010)

Clara Augarde, Lio, Michel Galabru, Stefano Cassetti

92 min.
4 août 2010
UN POISON VIOLENT

Un premier film c’est comme une première rencontre. Plein de surprises et de promesses qui, par leurs force et beauté contrastées, peuvent donner au spectateur un sentiment de plénitude. De bien-être.

Celui d’assister à deux naissances. Celle d’une réalisatrice qui a amplement mérité le Prix Jean Vigo 2010 et celle d’une jeune actrice, Clara Augarde, qui réussit à donner à son personnage une lumière jumelle d’un questionnement vibrant sur les rapports entre la foi et le doute.

Le regard posé sur cette adolescente au seuil de plusieurs séparations d’avec l’enfance - son père quitte sa mère, son grand-père va mourir et le prêtre qui la prépare à sa confirmation n’est pas à même de répondre à sa soif d’absolu - est tendre sans être complaisant. Audacieux sans être choquant.

A la fois sacré et profane il réfracte, avec délicatesse et sensualité, les subtils changements d’une jeune fille à la fois aspirée par une quête spirituelle et lestée par les découvertes d’un corps en transformation.

« Un poison … » n’est pas la première oeuvre sur ce que Wedekind a joliment appelé « L’éveil du printemps », tout comme il n’est pas la première réalisation à parler de croyance catholique (*) mais il est un des rares à opposer à la culpabilité ambiante le don de soi. Un don entier, non écartelé entre la chair et l’esprit.

Opposition non pas martelée mais poétisée par une mélancolique joie qui sourd à la fois de la beauté de la nature - métaphorisée par les splendides paysages du Finistère – et de celle des âmes lorsqu’elles arrivent à s’extraire d’une bienséante religiosité arrimée à la haine du charnel.

Il y a de la rébellion dans la caméra de Katell Quillévéré lorsqu’elle capture les vitraux d’églises comme s’ils étaient des barreaux de prison. Une rébellion non pas déclamatrice ou revendicatrice à la Maurice Pialat, mais une prise de position tout en constante alerte pour dénoncer combien certains milieux sont des étouffoirs de vie.

Il est là le poison qui sème désarroi et confusion. Il a, comme tout mal qui a été identifié, son remède : la libre pensée.

Et le bonheur d’aimer.

Donne au film sa tessiture à la fois soyeuse et rêche la grâce préraphaélique de la jeune Clara Augarde sertie d’une bande son (**) qui allie hamonieusement musique celte et religieuse, romances anglaises et rumbas légères. 

Sans oublier les prestations étonnantes d’une Lio en épouse délaissée et blessée et d’un Michel Galabru en grand-père qui n’a pas oublié qu’il existe depuis toujours une énergie à opposer à la superstition qui fait du corps le tabernacle de la débauche et de l’obscénité.

Cette énergie a été peinte par Courbet et longtemps cachée par Lacan derrière les tentures de son bureau. Elle a pour nom « l’origine du monde » (mca)

(*) "Requiem" de Hans-Christian Schmid, "Avril" de Gérald Hustache-Mathieu, "Thérèse" d’Alain Cavalier, "Hadjewich" de Bruno Dumont. 

(**) Chic et alchimique comme chez Sofia Coppola