Drame sentimental
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TWO LOVERS

James Gray (USA 2008 - distributeur : Cinéart)

Gwyneth Paltrow, Vanessa Shaw, Isabella Rossellini, Joachim Phoenix

100 min.
24 décembre 2008
TWO LOVERS

Pour leur troisième collaboration [1], Joaquin Phoenix retrouve James Gray et entre dans la peau de Leonard Kraditor, un homme qui, après une rupture sentimentale, retourne vivre chez ses parents dans les quartiers de Brooklyn pour tenter de se remettre de ce qu’il vit comme un véritable abandon et de retrouver ses repères. Ce dernier aide son père dans leur petite entreprise familiale, tout en rêvant de s’épanouir dans la photographie, unique forme dans laquelle il parvienne à s’exprimer pleinement.

Ses repères, il va tenter de les planter grâce à une présence féminine. Car dans sa vie, à ce moment, se profilent deux femmes diamétralement opposées. La première, Sandra, est une juive de bonne famille, douce et attentionnée, mais également audacieuse. La seconde, Michelle, est une jeune femme au comportement juvénile en plein désarroi émotionnel.

Alors que l’une incarne la sécurité et le choix de la raison, et par la même occasion, le rêve auquel aspirent ses parents car ils voient en elle une figure salvatrice qui empêcherait leur fils de succomber à ses démons, Leonard, lui, est irrésistiblement attiré par l’autre, celle qui représente l’évasion et la passion. Il voit en cette dernière le reflet de ses propres travers, puisque elle-même se noie dans sa liaison avec un homme marié.

Chacun court donc vers un amour inatteignable. Et ces deux êtres se rejoignent dans une lâcheté et une immaturité qui se traduit par leur attirance pour les histoires impossibles. Ils semblent n’appartenir à aucune temporalité, comme englués dans un espace-temps perdu, et bien incapables de s’en dépêtrer.

Leonard est déchiré entre son cœur et sa raison, comme il est partagé entre le désir de vivre et le désespoir profond qui le pousse à vouloir mourir, une morosité gravée en lui, qui le ronge face à un horizon sans échappatoire. Il tente de fuir mais ne sait guère où aller. Il suit donc chacune des voies qu’il rencontre, trop indécis pour se dégager pleinement de l’une d’elles, jusqu’à ce que le destin, finalement, choisisse pour lui.

Devant ces comportements autodestructeurs, un certain agacement poindra peut-être chez le spectateur, frustré d’assister à une errance sans fin. Mais c’est aussi cet enfermement des personnages et leur incapacité à en sortir qui les rend touchants, et humains.

Visuellement, la poésie de la photographie, plantée d’emblée lors de la séquence introductive, allège l’irrégularité de la qualité des séquences et plonge le spectateur au sein d’une oeuvre dont les contours nets sont indéfinissables.

Des moments uniques, comme celui où les photographies en noir et banc de la bar-mitsva d’un membre de la famille défilent dans leur fixité ô combien vivante, donnent au film une saveur douce amère empreinte de mélancolie.

Comme il l’a déjà fait auparavant, James Gray se penche sur la complexité des sentiments humains. Le réalisateur possède un sens artistique qui lui permet de plonger au cœur d’une histoire qui, en d’autres mains, semblerait d’une banalité affligeante. Mais, à une vie sans vagues, le réalisateur ajoute une caractéristique essentielle, celle de la compréhension des êtres et dévoile, en images, l’incapacité d’un homme à emprunter une voie salutaire.

Influencé par le lyrisme et les illusions romanesques des « Nuits Blanches » de Dostoïevski, Gray décrit la stagnation, voire la régression par moments, de cet être atteint d’un trouble bipolaire, symptôme d’un mal bien plus profond qu’il n’y parait. Cette maladie qui le ronge se veut le symbole d’une société entière, incapable de trouver le chemin de l’harmonie et de la paix. (Ariane Jauniaux)

[1] Après « The Yards » (2000) et « We Own the Night » (2007)