Jeunes plumes
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TOY STORY 4

Josh Cooley

Avec les voix de : Tom Hanks (Woody), Annie Potts (Bo Peep La Bergère), Tim Allen (Buzz l’Eclair), Joan Cusack (Jessie) …

100 min.
26 juin 2019
TOY STORY 4

Un 4e opus, pourquoi donc ?

Après l’émouvant Toy Story 3 [1] sorti neuf ans auparavant, l’apparition d’un 4e film clôturant (normalement !) l’iconique saga suscitait une certaine appréhension, voire une réelle méfiance.

En effet la destinée finale de ses attachants protagonistes (Woody, Buzz et sa joyeuse compagnie) proposée dans le 3e tome semblait pourtant satisfaisante : Andy étant parti à l’université, il confiait la garde de ses précieux jouets à Bonnie.

Les thématiques développées tout au long de la série trouvaient dans ce dénouement ultime une conclusion honorable et poignante : le thème central du rôle et de l’existence du jouet, les questionnements transversaux de la recherche d’identité et de l’évolution psychique, la question de l’abandon et sa difficile acceptation, et enfin l’idée de transmission, de partage et de renouveau. La boucle paraissait bouclée.

Après une résolution aussi cohérente, ce 4e opus ne se présageait donc que comme une Nème suite commerciale potentiellement inutile … il n’en est pourtant rien. Si la fin mise en place dans le 3e film se suffit à elle-même, le 4e volet a le mérite d’approfondir et d’interroger un peu plus les sujets et les valeurs si chers à la licence en les adaptant à des considérations contemporaines : la notion de recyclage abordée notamment au travers du personnage de Fourchette (un jouet bricolé à partir d’objets usagés et qui se prend pour un déchet), mais également une forme d’« empowerment féminin » traduite par la transformation de Bo La Bergère.

L’aboutissement d’une quête initiatique

Dans Toy Story 4, l’intrigue se focalise essentiellement sur Woody : sa progression identitaire en tant que jouet (thème largement développé dans les autres films mais qui se parachève avec celui-ci), mais surtout sa quête initiatique en tant qu’individu (si on peut le définir ainsi), sa découverte et son apprentissage d’aspirations et de sentimentaux personnels qui ne sont pas forcément (re)liés à son statut de jouet.

Le film met ainsi en scène les doutes existentiels de ce dernier qui, délaissé par Bonnie et dépossédé de son rôle de leader, tente tout au long du récit de trouver un sens à sa vie. Il s’attache de ce fait au nouvel arrivant, Fourchette, dont il se sent responsable et à qui il essaye d’enseigner les vertus de loyauté et d’amour : qualités fondamentales de tout jouet envers son propriétaire, d’après lui. Cependant la perte de Fourchette lors d’un voyage en camping, les péripéties qui s’ensuivent et les retrouvailles avec Bo La Bergère (dont un flashback dans le prologue avait expliqué la disparition) ébranlent ses croyances, et confrontent ses véritables motivations en tant que jouet et personnage.

Woody achève ainsi dans cet opus sa quête identitaire et initiatique amorcée lors des précédentes œuvres : une recherche qui témoigne du dilemme universel entre devoir et sentiment, entre idéologie et réalité, entre passé et présent.

Des personnages-miroirs, reflets de thématiques contemporaines

Si Woody représente une fois encore le personnage clé et moteur du récit, les autres personnages constituent le prolongement de ses doutes identitaires et explorent également de manière allégorique la profondeur et les multiples facettes de l’âme (humaine). Aussi bien nouveaux qu’anciens, chacun d’entre eux personnifie un principe ayant trait à la fois à leur existence et à leur évolution de jouet, mais se référant aussi à des réflexions plus générales. Des figures telles que le cascadeur canadien Duke Caboom ou l’antagoniste Gabby Gabby qui, sous le couvert de l’humour ou de la légèreté, évoquent des thématiques plutôt dures : le rejet, l’insécurité, ou encore le besoin et le souhait d’être aimé.

Parmi eux, l’on peut souligner plus particulièrement le rôle émancipateur de Bo La Bergère. Prototype du « jouet pour fille » à l’ancienne, Bo, délicate porcelaine toute revêtue de rose lors de ses premières apparitions, s’est métamorphosée dans Toy Story 4 en une héroïne moderne et indépendante, troquant par exemple sa robe en dentelle pour un pantalon. Aventureuse et libre, elle prend son destin en main : sachant se défendre par elle-même, mais surtout vivre pour elle-même. Une mutation à la fois narrative, physique et mentale, qui n’est pas sans rappeler les progrès et les revendications en termes de représentation féminine et de changement des mœurs de ces dernières années.

Donc, une palette de personnages diversifiés et attendrissants qui s’inscrit dans la sensibilité et la tradition des studios Pixar et ayant notamment contribués à sa renommée.

En conclusion : une fin réussie ?

Vingt-quatre ans après le 1er Toy Story [2], Josh Cooley (l’animateur, scénariste et réalisateur s’étant démarqué grâce au film Vice-versa) réussit l’exercice de proposer un 4e film relativement harmonieux, fidèle aux personnages et à l’univers de la saga originelle.

Une œuvre visuellement magnifique, aux images de synthèse et aux textures hyperréalistes (la qualité de la réalisation permettant de communiquer de manière juste les émotions de ces différents personnages) qui, même si elle ne se justifie pas complètement, offre un agréable divertissement et permet un retour en enfance (un brin nostalgique) en compagnie de personnages emblématiques, qui ont vraisemblablement grandi et mûri en même temps que son public.

(Lilia Vanbeveren)

[1Toy Story 3 réalisé par Lee Unkrich et diffusé en salles à partir du 18 juin 2010.)

[21er long métrage des studios Pixar et 1er film d’animation en images numériques, réalisé par John Lasseter et sorti le 22 novembre 1995.