Adaptation d’un livre
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TOUTES NOS ENVIES

Philippe Lioret

Marie Gillain, Vincent Lindon, Amandine Dewasmes, Yannick Renier, Pascale Arbillot, Isabelle Renauld, ...

120 min.
9 novembre 2011
TOUTES NOS ENVIES

Après la lecture du livre "D’autres vies que la mienne" d’Emmanuel Carrère (Editions P.O.L., 2009), Philippe Lioret est suivi par une histoire, par une thématique qu’il a envie d’explorer, mais dont la forme littéraire ne lui permet pas une transposition classique. A ce moment, l’écrivain comme le cinéaste sont conscients du manque de dramaturgie du livre et le premier donne au second son accord pour une adaptation librement inspirée de son récit.

Philippe Lioret semble être de ceux que leur sujet choisit, de ceux qui se laissent marquer par les explorations qu’ils entrevoient dans une histoire, de ceux qui acceptent à pleines mains un projet qui arrive à eux par des voies incontrôlables et qui s’en investissent corps et âme.

 

Cette histoire, il l’a habitée d’autres personnages, d’une lecture personnelle, ni éloignée de celle de laquelle il s’inspire, ni décalquée. Ni semblable ni autre. Cette histoire, c’est celle de Claire, maman de deux jeunes enfants, compagne de Christophe et juge au tribunal de Lyon.

 

C’est l’histoire des rencontres qu’elle fait soudainement à un tournant de son existence, la rencontre de Céline, mère de famille en grandes difficultés financières, et celle de Stéphane, juge chevronné ayant mis de côté ses idéaux comme l’y ont encouragé les différents systèmes autour de lui. Claire veut et va se battre contre la politique des sociétés de crédit, son combat grandissant au fur et à mesure qu’une tumeur investit les recoins inatteignables du plus profond de sa chair. Claire lutte pour la vie, pour l’amour, elle pousse un dernier cri déchirant tout en taisant sa douleur, tout en ne confiant ce qu’elle traverse à personne, même pas à elle-même.

 

Ce sont ces personnages attachants, troublants de vérité, abritant tant de choses non dites, qui font toute la force du récit de Philippe Lioret. Ce sont des acteurs magnifiques qui leur donnent vie, tout simplement car c’est une part d’eux-mêmes qu’ils proposent à l’image. C’est un grand rôle pour Marie Gillain qui, non seulement devient Claire, mais lui communique une grandeur rare. Vincent Lindon se dresse tel qu’il est, dans toute sa transparence et ce chemin d’acteur, d’homme, de réunion de toutes les facettes qui le composent, il est grand, tout simplement.

 

C’est un beau film, investi de toutes parts - c’est le moins que l’on puisse dire - rempli de ce que chacun voudra bien y trouver de résonnance avec sa propre histoire, ses propres failles, ses sensibilités personnelles. C’est un film dont on ne sort pas indemne, qui laisse une marque en soi, et c’est là toute la puissance du cinéma, qui s’imprègne dans nos vies quotidiennes, qui accompagne pour le restant de la vie. Et l’envie, comme cela, qui prend au cœur, de remercier ces êtres qui concrétisent des choses dont d’autres peuvent se faire témoins. L’envie de rester avec cette gratitude envers l’un, envers l’autre, envers ses autres, une gratitude qui réchauffe le cœur puisque consciente que nous n’avons pas plus beau cheminement que d’observer les parts de lumière et d’ombre dans nos existences, ce qui est souffrance, ce qui est apprentissage et parcours. Et d’accueillir ce tout avec la plus infinie des simplicités. (Ariane Jauniaux)