TOUS AU LARZAC

Aux fourches et aux tracteurs citoyens !

Le petit David qui sommeille en chacun de nous est toujours heureux de se réveiller lorsque, dans la lutte qui oppose le pot de terre au pot de fer, c’est le métal qui fend la garde.

En octobre 1971 le Ministre de la Défense, Michel Debré, décide que le camp d’entraînement militaire du Larzac doit être agrandi. Durant 11 années les paysans du lieu vont, avec inventivité, ténacité, non-violence et victoire finale s’opposer à leur expropriation.

C’est en retournant sur les lieux du combat et en interrogeant celles et ceux qui ont été acteurs de cette épopée de la juste "causse" (*) que Christian Rouaud nous propose un épatant documentaire.

Qui décortique avec énergie, bonne humeur et passion, un mouvement collectif étonnant parce qu’il brasse les gens du cru, souvent conservateurs et catholiques et tous ceux qui ont choisi de s’installer sur ce bout de terre et d’y devenir par conviction idéologique (post soixante-huit) berger ou agriculteur.

Déjà dans son film précédent « Les Lip, l’imagination au pouvoir » (inexplicablement exclu du champ de la diffusion hors Ecran-Total en Belgique), le cinéaste avait choisi, pour nous raconter une lutte syndicale devenue historique, le mélange des sources entrecroisant archives, portraits et entretiens.

Dans « Tous au … » il persévère dans ce dépliement engagé d’un moment de crise. Incitant à ne pas baisser les bras, à se battre pour un avenir de qualité, à insuffler à l’Histoire un sens qui inclut les notions de solidarité, d’imagination constructive et de pouvoir non autoritairement imposé.

On sort requinqué et confiant de ce film lumineux, savoureux et intense qui ne s’encombre pas d’effets de caméra ou de prises de vue sophistiquées.

Grâce à Christiane, Pierre, Léon et tant d’autres on redécouvre qu’être « indignés » ne suffit pas.

Pour que les choses changent, il ne faut pas craindre d’oser, de retrousser ses manches et d’accepter la main que les autres vous tendent.

A la fois bouclier (contre l’aquoibonisme) et levier (pour l’action), « Tous au Larzac » saisit par la fluidité de son montage, le bon sens de ses intervenants, la lucidité de son regard qui n’oblitère pas les moments de dissension et d’atermoiement propres à tous les mouvements prônant les prises de décisions réellement démocratiques.

Ce film est une petite flamme, comme celle que l’on allumait lors des concerts de Bob Dylan ou Joan Baez - du temps où ils étaient militants et sincères.

Elle entretient l’espoir d’un demain meilleur qu’aujourd’hui. Un demain dans lequel nous avons un rôle non pas à subir mais à jouer. (mca)

(*) haut plateau du Sud du Massif Central où se trouve le Larzac.