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TITICUT FOLLIES

Frederick Wiseman

Les détenus de l’hôpital psychiatrique de Brigdewater (Massachusetts USA)

84 min.
21 juillet 2010
TITICUT FOLLIES

Aimer le cinéma c’est bien. Aller au cinéma c’est mieux encore. Parce que c’est se permettre de vivre plusieurs vies, d’explorer différentes facettes de sa sensibilité, d’affûter son intelligence au frottement d’autres points de vue.

Quand la même semaine sortent deux films aux antipodes formels et narratifs l’un de l’autre mais réunis par le même intérêt pour l’humain, le plalsir est encore décuplé.

Ainsi en cette semaine de fête nationale (belge) sont projetés deux moyens métrages de respectivement 76 et 84 minutes, « Babies » - chroniqué sur ce site - et « Titicut follies » qui offrent chacun un regard particulier et de parti pris sur une situation bien définie.

Dans "Babies" Thomas Balmes, à la façon d’un caméraman animalier, se place face à des enfants pour capter leurs découvertes du monde avec une légèreté (certains parleront de superficialité) et une tendresse diffuse qui nous rend, nous spectateurs, heureux.

Dans « Titicut … » Frederick Wiseman montre le quotidien de criminels malades mentaux détenus dans un hôpital psychiatrique à Bridgewater - Massachusetts (USA).

Cette œuvre, le premier documentaire de Wiseman, s’il s’inscrit dans une époque bien particulière de l’histoire de la psychiatrie et notamment celle de sa remise en cause épistémologique et pratique, est profondément originale.

Parce qu’elle réussit à montrer sans démontrer. A témoigner sans moraliser, morigéner ou polémiquer.

C’est par son retrait du sujet - comme s’il voulait limiter au maximum toute projection de ressenti en s’interdisant les « trucs » de diversion habituels que sont les commentaires en voix off ou les ajouts de musique - que Wiseman crée chez le spectateur un sentiment d’effroi devant tant de misère à la fois mentale et physique.

« Titicut … » est un film austère, presque silencieux qui fait du montage sa pierre angulaire.

Montage à la machette qui coupe parmi les nombres heures de tournage pour ne garder, avec un sens aigu de l’essentiel, que ce qui fera sens.

Sans que jamais ne soit prononcé un mot de critique, « Titicut … » est une dénonciation au fer blanc d’une institution publique (censée apporter de l’aide …) de santé mentale.

Laissant bien loin derrière elle celle formatée-pour-les Oscars de « Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman.

Personne ne s’y est trompé. Tout le monde en a eu peur.

La preuve, s’il en fallait une :

« Titicut … » a été interdit de diffusion en-dehors des cercles médicaux et juridiques pendant 25 ans.

« Vol au-dessus… » a reçu 5 Oscars en 1976 dont celui du meilleur film. (mca)

Jean-Louis Dupont a dans son émission "Première Séance" de la RTBF reçu Monsieur Wiseman. Un ciné-récit de 4 épisodes lui a été consacré. Dans celui du 9 mai 2009 (podcastable) le réalisateur s’exprime sur "Titicut follies".