Chow Yun-Fat , Michelle Yeoh , Zhang Ziyi
Ce mois-ci la Cinematek met à l’honneur Ang Lee, l’homme « caméléon » qui vogue entre tous les genres et toutes les cultures.
Si tous ses films sont à voir (d’urgence), il en est un en particulier, « Crouching Tiger, Hidden Dragon » que l’on ne peut manquer. Lauréat d’un oscar du meilleur film étranger en 2000, et record du film en langue originale sous-titré le plus vu aux Etats Unis, Tigre et Dragon octroya définitivement à Ang Lee ses lettres de noblesse.
La raison de ce succès est presque indescriptible tant le film ensorcèle son spectateur. Mélange subtil des codes du wuxia traditionnel (le film de chevalerie chinois) et des films occidentaux, Tigre et Dragon trouve un équilibre parfait entre efficacité de la narration et pauses lyriques. Ang Lee transcende le film d’arts martiaux. C’est là que réside tout son talent : que ce soit le romantisme du 19e siècle (dans Raison et Sentiments ), le film de super-héro ( Hulk ), le mélodrame familial ( Eat Drink Man Woman ), … Ang Lee s’approprie un style réglementé et le dépasse. Il ne le détruit pas, il l’élève subtilement en retravaillant ses codes et en leur donnant un souffle nouveau.
Metteur en scène des sentiments réprimés, Ang Lee travaille le genre comme la psyché de ses personnages : il ravive un cadre serré (le système, qui force l’humain à dissimuler ses émotions, ou encore le genre cinématographique qui interdit l’écart artistique) par une dynamique du désir et de la sensibilité. Comme dirait Li Mu Bai (Chow Yun-Fat) : « Seul compte l’élan du cœur ». Sans lui l’homme, et le film, ne sont que coquilles vides. Et le cœur du réalisateur est tout entier présent dans cet hommage au cinéma de la Chine, pays de ses origines, que ses parents durent fuir en 1949.
Tigre et Dragon est donc un exercice de style réussi, mais aussi une histoire qui vibre sous l’action des sentiments (ces dragons cachés, ces tigres tapis) qui se battent (comme les maîtres du sabre) pour remonter à la surface .(Aurélie Waeterinckx)