Fantastique
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Coup de coeurTHE SADDEST MUSIC OF THE WORLD

Guy Maddin (Canada 2003 - distributeur : Ecran Total)

Isbella Rossellini, Mark McKinney, Maria de Medeiros

99 min.
27 juillet 2006
THE SADDEST MUSIC OF THE WORLD

Ce film rappelle qu’à côté du cinéma fait pour distraire ou sensibiliser, il existe un « cinéma en soi », c’est-à-dire qui dédouane de l’envie de comprendre et de juger. Auquel on s’abandonne, sans préjugé ou attente particulière et qui vous fait retrouver la sensation souvent oubliée de la première fois. Cette première fois où l’on a découvert la magique puissance des images qui déferlent sur un écran.

Guy Maddin, greffon hybride entre Ed Wood et David Lynch, ne craint pas d’être original - fou diront certains -, cynique, flamboyant et mélodramatique. Ses histoires, il les narre avec houle et jubilation emportant sur son passage raison et logique.

En businesswoman avisée, Lady Helen Port-Huntly sait que la tristesse fait boire. Pour attirer les buveurs au Canada, pays qui échappe aux lois sur la prohibition qui sévissent au début des années trente aux USA, elle lance un concours. Celui de la chanson la plus triste.

Déferlent à Winnipeg des chanteurs, des musiciens et des spectateurs de toutes les régions du monde qui doublent leur goût du spectacle par des orgies de houblon.
Déferlent, en parallèle trépidant, sur l’écran de magnifiques images en noir et blanc, échos à celles du plus abouti du cinéma des années vingt-trente, qu’il soit expressionniste allemand ou propagandiste russe,

« The Saddest Music » est un vibrant hommage aux premières comédies américaines, aux mélodrames les plus excessifs et au fantastique poétique. Plus d’un cinéphile se plaira à reconstituer une sorte de puzzle anthologique dont les pièces sont les coiffures, maquillages, costumes, décors, relations entre les personnages inspirés de Busby Berkley, Lon Channey, James Whale, Von Sternberg et de bien d’autres.

Le scénario ficelé par Kazuo Ishiguro (l’auteur du « The Remains of the Day » dont James Ivory
a tiré un film en tout point remarquable) nous emporte dans un enchevêtrement dramatique d’histoires traversées par une nymphomane amnésique, un Russe dépressif qui transporte dans un bocal le fœtus de son enfant mort et une Lady qui se fait greffer des jambes en verre remplies de bière (cette dernière interprétée par une drôle et séduisante Isabella Rossellini).

Le style à la fois suranné et classieux de Maddin donne à « The Saddest Music » un charme et
une audace qui saoulent et envoutent. A voir sans modération … (m.c.a)