Berlinale 2017
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Coup de coeurTHE OTHER SIDE OF HOPE

Aki Kaurismäki

Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen, Janne Hyytiäinen, Kati Outinen

98 min.
22 mars 2017
THE OTHER SIDE OF HOPE

Considéré a priori comme Le film favori de la Berlinale 2017, « The Other Side of Hope » a d’emblée conquis les partisans tout acquis à la cause du réalisateur finlandais Aki Kaurismäki, et ce, avant même sa première projection. Les spectateurs ayant succombé au charme de son précédent film, « Le Havre », y trouveront sans aucun doute leur compte car ce second volet d’une officieuse trilogie sur l’exil reprend, àpeu de choses près, les mêmes motifs et les mêmes ingrédients qu’en 2011 : des personnages décalés « débordant de joie », la confrontation d’une actualité brûlante avec une atmosphère et des décors vintage qui confèrent au film un surréalisme anachronique, des dialogues laconiques et des situations où l’absurde, régnant en maître, est supposé faire rire.

Auréolé d’une infinie mansuétude, Aki Kaurismäki poursuit donc son plaidoyer pour une plus grande solidarité entre les hommes en croisant le destin de Khaled, un réfugié syrienarrivé par hasard à Helsinki, et Wilkström, qui décide de tout plaquer, femme y compris, pour s’acheter un restaurant.

Comment ne pas succomber à cette ode humaniste dont le chromatisme n’est pas sans rappeler l’art d’Edward Hopper et auquel on ne peut que moralement adhérer ? Car, en bon objecteur de conscience, le génialissime cinéaste nous rappelle que tout homme n’est qu’un être de passage, un étranger (c’est là-même l’étymologie du mot « pèlerin ») venu habiter, de manière bien éphémère, un monde qui lui est donné en partage et que personne ne peut jamais prétendre posséder ni maîtriser.

L’intention est indéniablement louable, et l’on pourrait même plaider en sa faveur en ajoutant qu’elle est pavée de bonnes intentions. Cependant, que penser, sans hypocrisie intellectuelle, de cette peinture simpliste et naïve de l’âme humaine qui consiste à diviser les êtres en trois catégories : les bons altruistes, les méchants égoïstes (caricaturés par les néo-nazis dans le film) et les indifférents (ceux qui, aveuglément, appliquent les règles d’un système aussi absurde fût-il sans jamais se poser de questions). Certes, cette vision du monde ainsi que de la nature humaine est rassurante ; elle parle à notre âme d’enfant qui, innocemment,apprécie les contes de fées sans en saisir l’esprit subversif ; elle galvanise l’espoir d’une humanité idéalisée qui a fait de sa religion le progrès.

Cependant, et c’est surtout là où le bât blesse, cette vision partielle des choses occulte totalement les causes d’une réalité géopolitiqueautrement plus complexe, et induit une question ô combien dérangeante : cettehonorable et vertueuse morale ne donne-t-elle pas trop bonne conscience aux soldats de l’armée la plus nombreuse, celle de la passivité, qui, considérée avec assez de recul historique est loin d’être neuve, et dont rares sont ceux qui peuvent s’en exclure vraiment ? Car, comment faire de la révolte non un discours séparé de soi mais bien une expérience éprouvée à chaque instant de l’existence ?

Il ne fait donc nul doute que « The Other Side of Hope » séduira beaucoup de monde mais reste à voir si cette fiction sera vue par celles et ceux quise montrent cohérents sur le plan éthique entre ce qu’ils pensent et ce qu’ils font, et ce, dans le silence et sans ostentation, tout simplement parce qu’ils n’ignorent pas ce que le mot « solidarité » signifie pour en avoir, dans la majorité des cas, bénéficié à un moment ou à un autre de leur vie.

(Christie Huysmans)