Expérience sensorielle
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THE NEON DEMON

Nicolas Winding Refn (Etats-Unis/Danemark, 2016)

Elle Fanning, Karl Glusman, Jena Malone, Abbey Lee, Bella Heatcote, Keanu Reeves, Christina Hendricks, Desmond Harrington...

117 min.
15 juin 2016
THE NEON DEMON

Certainement le film le plus controversé de Nicolas Winding Refn à ce jour, « The Neon Demon » a divisé la critique mais aussi le public du Festival de Cannes. (Festival de Cannes qui avait en 2011 décerné le prix de la mise en scène au réalisateur danois pour son excellent mais beaucoup plus conventionnel « Drive »)

Conte horrifique présenté par le réalisateur comme un "film d’horreur sans horreur", « The Neon Demon  » suit l’ascension fulgurante d’une jeune orpheline de 16 ans (Jesse, incarnée à merveille par l’étonnante Elle Fanning) dans le milieu de la mode de Los Angeles. La beauté, l’innocence et la jeunesse de Jesse suscitent immédiatement la jalousie de ses consœurs mannequins ainsi que la convoitise générale.

Véritable expérience sensorielle, « The Neon Demon  » est un film hypnotique d’une beauté formelle époustouflante, qui happe le spectateur dès le premier plan pour lui fait vivre près de deux heures de rêve éveillé (le tout remarquablement accompagné par la bande originale envoutante de Cliff Martinez avec qui le réalisateur avait déjà collaboré pour «  Drive » et « Only God Forgives »).

C’est ce minutieux travail sur la forme très esthétisée qui a valu à NWR (sa ’griffe’ apposée au début du générique) le plus de critiques, reprochant à « The Neon Demon » d’être vain, voire de manquer de fond. Ceci alors que le thème principal du film est la vanité et la vacuité du culte de la beauté… NWR n’allait bien sûr pas nous parler de beauté sans la représenter à l’écran.

Reprocher à une œuvre filmique d’être trop visuelle ou formelle me paraît absurde, le cinéma n’a quand même pas l’obligation de se limiter à une narrativité classique ou à une histoire dense ! C’est un peu comme reprocher à une peinture d’être abstraite ou à de la musique contemporaine d’être atonale… Et pour en revenir au scénario, il est loin d’être aussi minimaliste que les détracteurs voudraient le faire croire. Il ne tient que sur un bout de papier ? Essayons par exemple de résumer le scénario de « Deux jours, une nuit » des frères Dardenne (adulés à Cannes, exception faite de cette année), il ne tient aussi qu’en quelques phrases… Mais on peut remarquer que le Festival de Cannes se plait à encenser un cinéma social aussi peu novateur que visuellement sans attrait, comme l’a encore prouvé la Palme d’or de cette année, décernée à un Ken Loach qui, à 80 ans et déjà une Palme à son actif, n’avait certes pas besoin d’une deuxième… « The Neon Demon » ne se verra peut-être pas remporter un prix pour son scénario, mais il n’en est pas moins un remarquable thriller, qui par sa mise en scène, réussit à installer une tension progressive, nous tenant en haleine du début jusqu’à la fin. Sans oublier ses images choc qui s’impriment durablement sur la rétine.

Précisons quand même que si vous n’aviez déjà pas aimé « Only God Forgives  », il y a de fortes chances que vous n’aimiez pas non plus « The Neon Demon ». Le réalisateur y reprend une esthétique assez proche (le chromatisme, la construction des plans, la BO…) tout en adoptant une démarche encore plus radicale. L’univers dépeint y est glacial et dégénéré, pas une once d’espoir ou d’humanité ne subsiste dans cette satire acerbe du milieu vain et vampirique de la mode. Et alors qu’il avait pendant une grande partie du film fasciné son spectateur par la beauté des images, NWR va soudain le propulser dans une direction où il n’a pas spécialement envie d’aller, le plaçant par exemple dans une situation voyeuriste qui met plus que mal à l’aise. La scène finale a aussi de quoi surprendre ! On en ressort plutôt perturbé. Impossible de dire tout de suite après la projection ce qu’on en a pensé… Il faut un certain temps pour se rendre compte que « The Neon Demon » est un film qu’on n’est pas près d’oublier.

(Nadia Vodenitcharov)