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THE INVISIBLE WOMAN

Ralph Fiennes

Ralph Fiennes, Felicity Jones, Kristin Scott Thomas, Joanna Scanlan, Tom Hollander

111 min.
30 avril 2014
THE INVISIBLE WOMAN

Charles Dickens intime et infidèle, tel est le portrait qu’esquisse The
Invisible Woman
. Inspiré d’une
biographie écrite en 1991 par Claire Tomaline, ce biopic met en scène la
rencontre du plus populaire écrivain de l’ère victorienne avec la jeune Nelly
Ternan, actrice débutante dans l’une de ses pièces de théâtre. Charmé par la beauté et le talent de cette
jeune comédienne, Dickens entretiendra une liaison avec elle durant les
dernières treize années de sa vie. Femme
adultère et méconnue, Nelly Ternan deviendra cette femme invisible, reléguée
« Backstreet », tout autant que l’est par ailleurs Catherine Dickens,
l’épouse du célèbre auteur à qui elle donnera dix enfants. Si l’une n’a pas le droit d’existence par son
illégitimité morale, l’autre est « l’Ange du Foyer »[1]
et n’existe qu’en tant que mère et épouse docile. L’invisibilité sociale rassemble ces deux
femmes, qui, toutes deux demeurent cantonnées à l’ombre de la lumineuse
popularité de l’auteur à succès. 

 

Les thèmes chers à Jane Austen (à commencer par la position de la femme
dans la société) foisonnent dans ce film à la brillante mise en scène, laquelle
se rapproche d’ailleurs des adaptations réussies des romans de la romancière
anglaise ( Pride and Prejudice et Sense and Sensibility entre
autres). Les dialogues, écrits dans le
plus pur des anglais, sont tissés à la dentelle, et révèlent çà et là la prose et
l’œuvre de celui qui popularisa l’art du roman. 
Ralph Fiennes nous dévoile dans ce film ses capacités de réalisateur
autant qu’il confirme son talent d’acteur en incarnant le rôle d’un auteur
qu’il connaissait pourtant peu avant de se lancer dans l’aventure. Par son excellente interprétation, il nous dévoile
avec acuité et profondeur les multiples facettes d’un écrivain insatiable,
égotiste, passionné, socialement engagé, qui a autant besoin de se retrancher
dans la solitude pour servir son art que d’être conforté par les acclamations
de son public et de ses pairs. Si Oscar
Wilde, Virginia Woolf et Henry James reprochèrent à Dickens son manque de
profondeur psychologique dans son oeuvre, The Invisible Woman a le
mérite de creuser avec élégance le sillon sentimental qui marqua l’un des
derniers sentiers de vie de l’écrivain. Preuve
est une nouvelle fois faite à travers ce film que « de même qu’une vie
ne reste pas immobile, le récit d’une vie ne peut être fixée une fois pour
toutes
… Car à qui appartient la
vie posthume d’un individu 
 ?[2] »

 

 

( Christie Huysmans )


[1] L’ange du foyer (The angel in the house) est
un poème de Coventry Patmore, dont le concept fut largement critiqué par
Virginia Woolf compte tenu du carcan qu’il imposait aux femmes de l’époque
victorienne.

[2] Citation extraite de Virginia Woolf ou l’aventure
intérieure, Hermione Lee, Editions Autrement Littérature, p. 19 et 269.