Huis clos familial
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THE HOUSEMAID

Im Sang-soo (Corée du Sud 2010)

Jeon Do-Yeon (*), Lee Jung-jae, Youn Yuh-jung, Seo Woo

107 min.
2 février 2011
THE HOUSEMAID

Au commencement était le vide.

Vide dans lequel se jette, pour des raisons que nous ne connaîtrons pas, une jeune fille.

 

Image d’une chute, d’un attrait pour le vertige qui impressionne inexplicablement Euny, « The housemaid » et l’une des multiples déclinaisons féminines de ce film glacé et glaçant.

 

Parce qu’au lieu d’harmoniser comme dans le Tao, philosophie orientale qui prône l’équilibre, les éléments Yin et Yang, "The housemaid" broie avec une constante élégance visuelle toute expression, attitude ou pensée qui n’entrent pas dans le moule masculinisé de la société coréenne.

Mr. Hoon vit au sein d’un harem - épouse, belle-mère, fille, gouvernante - dont il attend et achète (il est très riche) l’obéissance et l’hypocrisie.

 

Euny n’échappera ni à l’emprise de cet homme séduisant (on a rarement vu sur grand écran un corps nu aussi érotiquement attractif) et vénéneux ni aux pièges de sa famille prête à tout pour conserver ses repères de vie facile et aisée.

Plongée dans le sordide et l’avilissant, « The housemaid » est un film qui déroute et dérange.

Par le hiatus qu’il installe entre sa thématique forte - la lutte des classes n’est pas un concept mort - et la stratégie essentiellement luxueuse avec laquelle il la développe.

On sait - Clint Eastwood le rappelle dans son « Midnight, in the garden of God and Evil » - que « La vérité est dans le regard du spectateur » mais encore faut-il pour que celui-ci ait envie de la capter que son attention ne soit pas distraite ou diluée par un excès de … qualités.

Trop plastiques - on se croirait dans un décor et un vestiaire des chicissimes magazines « AD » et « Vogue » ; trop démonstratives - on comprend vite que le registre de « The housemaid » est celui de la tragédie, il était inutile de surenchérir par un côté grand guignol (flirtant parfois avec le nauséeux) qui affadit voire ridiculise la charge contre une classe sociale imbue de ses privilèges et de ses richesses.

 

Trop axée sur un jeu d’acteurs qui, par le seul mot d’ordre qu’ils semblent avoir reçu - de la froideur et encore de la froideur - gomme une intensité que l’on ne sent à fleur de peau que dans le rôle de la vieille gouvernante, Youn Yuh-jung qui jouait déjà dans la mouture matricielle, moins artificielle illustrative et guindée de "The housemaid" réalisé par Kim Ki-young daté de 1960.

L’esprit cruel, sardonique et sensuel de « The servant » de Joseph Losey, du « Journal d’une femme de chambre » de Luis Bunuel ou encore de « La cérémonie » de Claude Chabrol n’est pas mort.

Il y en a quelques étincelles dans cette septième (*) réalisation de Im Sang-soo. Dommage que celles-ci s’autovitriolent sous les gouttes surnuméraires du maniérisme.

La théorie du maître et de l’esclave de Hegel devient sous la caméra de Im Sang-soo celle de l’impossible confrontation entre deux illusions. Morbigènes l’une et l’autre.

Celui d’une pseudo puissance engendrée par l’argent et celui d’une candide croyance en les vertus de la liberté amoureuse. (mca)

 

(*) Meilleure actrice pour " Secret sunshine" de Lee Chang-dong au festival de Cannes 2007
(**) production non distribuée chez nous à l’exception du théâtral et fragmenté « The president’s last bang » en 2005.