Fantastique
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THE FOUNTAIN

Darren Aronofsky (USA 2006 - distributeur : 20th Century Fox)

Rachel Weisz, Hugh Jackman, Ellen Burstyn

96 min.
7 mars 2007
THE FOUNTAIN

Il existe, entre le réalisateur Aronofsky et la notion de vertige, une connexité insistante. De celle qui permet de suivre, de façon quasi hypnotique, les mystérieux méandres de la vie et de sa soeur jumelle, la mort.

Dans ses films précédents, « Pi » et « Requiem for a dream », le réalisateur était à la recherche tantôt d’une combinaison numérique permettant d’accéder au secret de la matière, tantôt de paradis artificiels dans lesquels angoisses et désespoir pourraient se dissoudre.

Dans « The fountain » Aronofsky explore le temps et ses cloisonnements en passé, présent et futur.

Hier c’était le XVIème siècle et ses conquistadores chargés par la reine d’Espagne, Isabelle la Catholique, d’aller chercher un élixir de jeunesse dans les nouvelles colonies.

Aujourd’hui c’est un scientifique qui essaie de trouver un remède pour sa femme en phase terminale du cancer.

Demain ce sera un astronaute qui voyagera, dans un vaisseau spatial en forme de bulle d’air, en quête d’un arbre supposé contenir la sève de l’immortalité.

Ces trois histoires ont un point de soudure qui les ancre dans une matérialité obstinée et transcendantale. Ce maillon qui donne sens à cette chaîne du temps apparemment confuse c’est Izzy (une Rachel Weisz illuminée par la caméra amoureuse de son époux Aronofsky), la jeune femme mourante qui écrit un ouvrage sur la quête, dans l’Espagne de la Renaissance, d’un remède puisé dans les racines d’un arbre de vie pour que l’existence jamais ne s’arrête.

Le Major Tom du célèbre album « Space Oddity » de David Bowie, ainsi que le rôle tenu par celui-ci (un extra terrestre venu chercher sur la Terre de quoi sauver sa planète) dans le film de Nicolas Roeg « The man who fell to earth » ne sont sans doute pas étrangers au fait d’avoir donné, au triple héros masculin, le prénom de Thomas.

Il y a de la religiosité dans la démarche du cinéaste. Un goût du sacré magnifié par un usage de la couleur dorée comme dans les icônes byzantines. Une évidence de l’intime nouage entre des événements spatialement et temporellement éloignés. Un respect pour des disciplines ancestrales, tai-chi et posture bouddhique, dont la pratique ouvre vers une sagesse qui permet d’accepter que toute vie soit inscrite dans une prédestination dont ni les rêves (le futur) ni les cauchemars (le passé) ne viendront à bout.

« The fountain » ressemble à un lent travail de deuil. Deuil d’une immortalité inaccessible, deuil d’une toute puissance qui serait capable de pulvériser les lois de l’humaine finitude.

C’est aussi une ode à la virtuosité cinématographique par ses réminiscences à peine voilées
à la cosmographie chorégraphiée de « 2001 » de Kubrick, une épopée high tech aux images
fascinantes et une réflexion philosophique sur l’impossibilité d’assister au déclin de l’être aimé sans tenter de le redynamiser à la fontaine de jouvence, celle-là même qui jaillissait au pied de l’arbre de vie au milieu du Paradis terrestre.

Le mérite ultime d’Aronofsky est de ne pas plaire à tout le monde. Il a ses détracteurs et ses aficionados. Ce qui fait de son cinéma une matière vivante qui sera vitalisée ou dévitalisée par
l’attention de celui qui le regarde. Ils ne sont pas fréquents les films, qui en cette époque de consensualité molle, justifient la prise de plumes, dans la même revue cinématographique (*)
par deux journalistes de camps opposés. Les pro et les anti. (m.c.a)

(*) Le Studio 230 page 30