Ecran témoin
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THE COMPANY MEN

John Wells (USA/ GB 2009)

Maria Bello, Chris Cooper, Tommy Lee Jones, Kevin Costner, Ben Affleck

194 min.
4 mai 2011
THE COMPANY MEN

“Qui sait de quoi un homme est fait ….? Essaie d’en peser un pour voir. Plus léger que l’air, il te filera entre les doigts… avec son sourire comme armure et ses chaussures bien cirées comme stratégie » (« Mort d’un commis voyageur » d’Arthur Miller)

Dès les premières images, un doute, un soupçon, un malaise face à ces hommes, ils sont trois, qui nouent, devant un miroir renvoyant une image flatteuse de leur moi social, leur cravate.

Ce signe d’appartenance à leur caste sociale. Celle des cols blancs.

Ils sont loin de se douter que leur belle maison, leur luxueuse auto, un bon handicap au golf, leur piscine et leur dévouement à l’entreprise qui les emploie ne les protégeront pas de la cupide sévérité des temps économiques.

Qui réclament que des têtes tombent (victimes expiatoire au Dieu Mamon) pour que les bilans retrouvent la couleur alléchante des progressions à deux chiffres. (*)

Sans être politique (dans la veine des réalisations engagées de Martin Ritt « Edge of the city ») humaniste (comme chez Preston Sturges) « The company… » suit avec une volonté de réalisme objectif le parcours d’hommes condamnés à douter d’eux-mêmes suite à leur exclusion du monde du travail.

Sur le thème du « comment se comporter quand on a perdu son emploi ? », le cinéaste est sans illusion et sans réelle idée novatrice.

Du suicide à l’impuissance, de la dépression à la honte d’être devenu invisible, du bureau de réinsertion sociale à la solidarité familiale, en passant par la peur et l’amertume, le cinéaste parcourt sans tabou la gamme des dommages collatéraux que vivent ses personnages et les solutions (maigres) qui s’offrent à eux pour tenter de s’en sortir.

Il le fait avec sobriété, aidé dans sa démarche par des acteurs de qualité incarnant chacun un des possibles - de celui qui jette l’éponge à celui qui veut encore y croire et pourquoi pas en tirer profit - de la crise traversée. Signalons le plaisir de revoir un Kevin Costner plutôt en forme dans un rôle de charpentier ouvert aux idées d’une gauche généreuse et un Chris Cooper que l’on n’avait plus connu aussi complexe et perdu depuis « American Beauty ».

Proche la réalisation pour la télévision - le cinéaste a été le producteur d’ "Urgences" - par ses raccourcis narratifs, l’efficacité de ses dialogues et celle de sa mise en scène, ses clichés émotionnels et sa tendance à forcir le trait, « The company… » manque parfois de point de vue personnel.

Pourquoi fallait-il que l’épisode consacré à la réhabilitation par le travail manuel soit affadie par le fait de l’inscrire dans une parenthèse de solidarité familiale alors que l’une des plus intéressantes opportunités proposées par la crise actuelle serait de réfléchir à la nécessaire revalorisation de ce type d’engagement ?
Qui n’est pas qu’un pis-aller quand on n’a rien d’autre à se mettre sous les doigts.

Ensuite, pourquoi fallait-il que le happy end soit lié au fait de retrouver, en mettant sur pied une nouvelle société, les mêmes défis capitalistes que ceux qui ont mené aux licenciements du début de film ?

Comme si une fois qu’on y avait goûté, l’engramme du libéralisme même adouci par un espoir de mutualisme devenait aussi indélébile qu’un tatouage sur le gras du bras d’un « biker ».

On sait depuis longtemps que le Monde du travail est violent (**), ravagé par la loi du profit (***), avec « The company… » on sait maintenant qu’il manque de perspective.

Obligé, faute d’imagination, de retourner à ses fondamentaux traditionnels. (mca)

 

(*) le scénario de "The company..." date de l’éclatement de la bulle internet en ce début de siècle, sa sortie de somnolence est une suite des secousses engendrées par la crise financière de 2008
(**) « Violence des échanges en milieu tempéré » de Jean-Marc Moutout
(***) « Glengarry Glen Ross » de James Foley, adapté d’une pièce de théâtre de David Mamet.