Drame
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TAKE SHELTER

Jeff Nichols (USA, 2011)

Michael Shannon, Jessica Chastain, Shea Whigham, ...

116 min.
1er février 2012
TAKE SHELTER

Curtis La Forche (Michael Shannon, saisissant) voit son existence chamboulée par des cauchemars qui laissent grandir en lui une véritable obsession. L’idée qu’une terrible tempête se prépare, quelque chose que jamais nous n’avons connu ici bas, s’empare de lui telle une hantise. Dans son quotidien, il est contaminé par des visions, ce qui déteriore ses relations avec sa femme (Jessica Chastain, un pur délice) et sa fille atteinte de surdité ou ses collègues et amis ouvriers.

Entièrement obnubilé par ce qui lui arrive et ce dont il ne peut se détacher, Curtis sombre peu à peu. Dans la volonté de protéger les siens, il les isole du monde. Entre la réalité de ce qu’il vit, et la réalité de ce qu’il pressent, le doute s’installe. Y a-t-il une part de vérité dans ses rêves de mauvais augure, ou assiste-t-on à la descente aux enfers d’un homme perdu dans la paranoïa, comme ce fut le cas pour sa mère, placée en institution au même âge ?

Take Shelter est un film en dehors des sentiers battus qui affiche un beau parcours dans les festivals puisqu’il a été récompensé du Grand Prix de la semaine internationale de la critique au Festival de Cannes ainsi que du Grand Prix du jury au Festival de Deauville. Jeff Nichols a commencé à en écrire le scénario durant l’été 2008, à une heure où il pressentait que le monde allait vivre quelques tourments.

Pour donner vie à la force inébranlable de l’angoisse qui saisit peu à peu et de manière implaccable Curtis, le cinéaste s’est servi de son pressentiment qu’un malaise lancinant s’installait dans le monde. De la même manière, à une époque où le réalisateur se sentait épanoui dans de nombreux aspects de sa vie, une peur s’introduisit en lui, celle de perdre les êtres aimés, thème moteur animant le personnage de Curtis. 

Depuis Bug (William Friedkin, 2006) dans lequel il explorait les affres de la paranoïa, Michael Shannon est devenu un habitué des rôles extrêmes. Jeff Nichols, après lui avoir confié un rôle d’homme meurtri face aux tourments familiaux dans son premier long métrage, retrouve cet acteur qui sait maintenir l’intrigant jeu entre folie et réalité pour son deuxième film.

Take Shelter est une parabole où la puissance dévastratrice - celle de la nature, celle de l’esprit humain - ne peut être arrêtée. Un film dérangeant, entretenant l’inconfort, l’inquiétude presque. Film américain qui s’aventure dans la marge restée inexplorée par tout un pan du cinéma national, il vaut la peine d’être découvert pour son caractère atypique et tendu autour de la possibilité d’une fin du monde, autour de la terreur que cela suppose. Le parallèle avec notre monde actuel peut aussi être envisagé, si l’on accepte de voir le thème du plein effondrement du monde transposé à notre société en crise et en perte de ses repères familiers, société qui doit, pour survivre, renaître de ses cendres. (Ariane Jauniaux)