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SUFFRAGETTE

Sarah Gavron

Helena Bonham Carter Carey Mulligan Meryl Streep Brendan Gleeson Ben Whishaw Romola Garai Anne-Marie Duff

106 min.
11 novembre 2015
SUFFRAGETTE

« Suffragette » est le troisième
long-métrage de la réalisatrice Sarah Gavron qui a choisi de nous
raconter un pan de l’histoire de la lutte des femmes pour l’obtention du
droit de vote. C’est ainsi que nous plongeons dans l’Angleterre du
début du XXe siècle, à une époque où les femmes n’avaient pour ainsi
dire, aucun droit. 
Pour rappel, la révolution
des suffragettes a permis aux Royaume-Uni d’accéder au suffrage
universel. Au 19e siècle, les femmes britanniques n’ont pas plus de
droit qu’un criminel, un malade mental ou même un enfant. Elles n’ont
pas accès aux institutions, et encore moins à l’éducation. Quand elles
travaillent à métier équivalent, elles ne gagnent que le tiers de ce que
gagne un homme. Lorsqu’elle se marie, une femme n’est plus considérée
comme un individu à part entière, et se dissout complètement dans
l’identité de son époux. Biologiquement, la femme est considérée comme
inapte au vote. Seulement, en 1884, une loi va enfin accorder aux
épouses le droit de posséder leur propre corps, leur permettant de
devenir ainsi des individus et de prétendre aux autres droits, dont
celui du vote qui est censé améliorer leurs conditions de vie[1]. 
Parmi
les suffragettes, on retient habituellement les noms suivants : Selina
Cooper, Millicent Garret Fawcett, Teresa Billington Greig, Emily Wilding
Davison et Emeline Pankhurts, interprétée pour l’occasion par Meryl
Streep. Si certaines de ces femmes apparaissent dans le film, la
réalisatrice a fait le choix de s’en servir comme des personnages
secondaires qui viennent interagir dans la construction et l’évolution
de Maud Watts, le personnage principal totalement fictif et incarné par
Carey Mulligan (Drive, Shame, The Great Gatsby, Far From the Madding
Crowd). 
Le film se structure en deux parties.
Dans un premier temps, nous découvrons le personnage de Maud, une jeune
femme de 24 ans, qui travaille depuis son enfance dans une
blanchisserie. Elle va faire la rencontre de plusieurs femmes qui vont
lui proposer de rejoindre le mouvement féministe des suffragettes.
D’abord réticente, elle finit par comprendre que la vie qu’elle mène
pourrait peut-être être meilleure si, en tant que femme, elle pouvait
disposer des mêmes droits que les hommes, et c’est ainsi qu’elle décide
de s’engager dans le combat des suffragettes. Mais en s’impliquant dans
ce mouvement, elle doit faire face au rejet de son mari et à la perte de
son fils. La deuxième partie nous dévoile une femme plus déterminée que
jamais, prête à tout sacrifier puisqu’elle n’a plus rien à perdre. Nous
la suivons dans les différentes actions qu’elle mène au côté des autres
militantes, et nous assistons aux traitements inhumains qu’elle subit
durant ses arrestations. 
L’histoire de la
lutte de ces femmes en quête de droits disposait de tous les ingrédients
pour un grand film. Le casting était également prometteur et s’il y a
bien une chose qui en vaut la peine, ce sont les actrices, et en
particulier Carey Mulligan qui porte à elle seule le film. Mais
malheureusement, Sarah Gavron passe à côté de ce qu’elle aurait dû
transmettre au spectateur, c’est-à-dire, un sentiment de révolte et
d’indignation face à ce que les femmes ont pu vivre et ce qu’elles
continuent à vivre encore aujourd’hui dans certains pays. L’une des
principales critiques à propos de « Suffragette » est certainement sa
retenue et sa trop grande décence face à un tel sujet. De plus,
l’esthétique est tellement soignée, l’image tellement propre sur
elle-même que cela crée tout simplement une distance entre la forme et
le fond. Car il s’agit d’un combat qui semble avoir été traité de loin. 
Quant
aux scènes auxquelles assiste Maud et qui vont déclencher sa
transformation de femme passive en femme active, elles arrivent
tellement facilement que cela nuit à la crédibilité du personnage et
traduisent une véritable faiblesse au niveau de l’élaboration du
scénario. Plusieurs scènes « chocs », par exemple les scènes de viol et
de gavage, auraient pu avoir davantage d’impacts sur le spectateur si
elles avaient été pensées et représentées différemment. Car le cinéma
est d’autant plus fort lorsqu’il réussit à susciter des émotions chez le
spectateur en suggérant plutôt qu’en montrant directement. 
Nathalie De Man
______________________ [1]
Voir le documentaire de Michèle Dominici, « Les suffragettes, ni
paillassons, ni prostituées ». www.youtube.com/watch?v=xKHXinujWoM