Autour de la guerre
1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s)

STOP LOSS

Kimberly Pierce (USA 2008 - distributeur : Upi)

Ryan Philippe, Channing Tatum, Timothy Olyphant

112 min.
11 juin 2008
STOP LOSS

Il y a mille et une façons de faire un film de guerre. Elles ne sont jamais futiles mais elles ont rarement proposé, au spectateur, autant de réflexions sur les à-côtés d’un conflit que l’actuelle guerre en Irak.

Non pas que le cinéma n’ait jamais posé de regard critique sur la question, mais très souvent (*) ces regards étaient à posteriori - « Les croix de bois » de Raymond Bernard tourné 14 ans après 14/18 - ou déguisés. Dans « Johnny got his gun » de Dalton Trumbo, les hostilités explicites concernaient la première guerre mondiale alors que le conflit implicitement visé était celui du Vietnam.

Avec l’entrée des troupes américaines en Irak, le cinéma hollywoodien a trouvé sinon un sujet à la mode du moins un gisement à exploiter.

De 2003 - le début des hostilités - à aujourd’hui, les films ne manquent pas.

Faisant des soldats des témoins de l’horreur comme dans « Redacted » de Brian de Palma, des marionnettes entre les mains des politiciens (**), des tortionnaires (***) des hommes de terrain ou des idéalistes. (****)

Avec « Stop Loss », la cinéaste explore une autre face de la guerre, déjà explorée dans "The best years of our lives" de William Wyler : le retour à la vie civile.

Ce retour, toujours difficile, parce qu’il est souillé des empreintes psychologiques ou corporelles ramenées des lieux de l’action par des militaires.

Qui déraillent comme dans le beau film de Paul Haggis « In the valley of Elah », ou qui choisissent de déserter comme le sergent King dans « Stop Loss ».

Pour échapper à l’interdiction qui lui est faite de démissionner, même si son temps de service est terminé, tant que la guerre dans laquelle il est engagé n’est pas close.

Ce qui dérange très vite dans cette deuxième réalisation, après l’intriguant « Boys don’t cry », de Kimberly Peirce c’est une impression d’incohérence dans le propos et dans la construction scénaristique.

Là où on s’attendait à une remise en cause morale de la politique menée par les USA on débouche sur une valorisation des fondamentaux des blockbusters :

* le road-movie - mais qui ici n’est accompagné d’aucun voyage intérieurl

* la violence sentimentalisée - les vétérans mutilés et les familles sous le choc

* la bande de copains - avec lesquels ce qu’on échange, bières et filles, aide peu à mûrir

* un arrière fond de grandiloquence manipulatrice d’émotions étrangement patriotes

* des inserts au look plus publicitaire que documentaire sur la « réalité » des opérations in situ

Ce n’est certainement pas avec ce film interprétré sans finesse et aux antipodes de l’idée de "putsch idéologique" dont ont été taxés les premiers films post 11 septembre (*****), que le gouvernement Bush va se sentir menacé …

Tout au plus peut-on espérer que les adolescents qui ont besoin que les points sur les i soient
marqués du sceau du spectaculaire et du déclamatoire comprennent que les guerres ne sont jamais justes.

Si les Américains sont meurtris par ce conflit qui s’enlise, il ne faut pas oublier que les Irakiens
le sont à un degré plus perturbant. Comme le rappellent deux films sortis presqu’en cachette, l’an dernier, dans la dernière salle militante de Bruxelles « Le nova ».

Lorsque ces longs métrages - "Iraq in fragments" de James Longley et "Ahlaam" de Mohamed Al
Daradji - auront, eux aussi, droit aux grands boulevards, peut-être alors pourra-t-on dire que le 7ème art monte au front. (m.c.a)

(*) Il y a à chaque règle des exceptions. Ainsi le « Fixed bayonets » de Sam Fuller (1951) tourné pendant la guerre de Corée
(**) « Wilson’s war » de Mike Nichols
(***) « Rendition » de Gavin Hood
(****) « Lions and lambs » de Robert Redford
(*****) « Lord of war » d’Andrew Niccol, « Syriana » de Stephen Gaghan