Drame politique
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Coup de coeurSOPHIE SCHOLL , THE LAST DAYS

Marc Rothemund (Allemagne 2005 - distributeur : ABC Distribution)

Julia Jentsch, Fabian Hinrichs, Alexander Held

117 min.
7 septembre 2005
SOPHIE SCHOLL , THE LAST DAYS

Vous souvenez-vous du regard intelligent et fébrile de l’héroïne du film « The Edukators », qui, avec deux camarades, déposait dans les demeures de riches allemands des messages d’avertissement « le temps des vaches grasses est fini » destinés à rompre la sérénité cossue des banlieues résidentielles ?

Si vous avez aimé son interprète, Julia Jentsch, vous aimerez la retrouver dans le rôle de Sophie Scholl, jeune allemande qui fait partie d’un mouvement d’opposition au nazisme - die Weisse Rose - .

Nous sommes en 1943.
Pendant que l’Allemagne triomphante se lézarde au fil des nouvelles en provenance du front de l’Est, des jeunes gens audacieux décident d’inonder leur université de tracts antinazis.

Ils sont arrêtés et vont être sommairement jugés.

Sophie, telle une moderne Antigone, va opposer, lors de son interrogatoire pour haute trahison, à la loi écrite du Reich celle non écrite de sa conscience.

Défense qui, quoiqu’ humainement convaincante, pèsera bien peu face à la machine judiciaire mise en place par le régime hitlérien.
Elle sera condamnée et décapitée.

L’histoire, à l’égal d’une tragédie classique, se déroule dans une quasi unité de temps et de lieu qui avive, grâce à la simplicité presque candide avec laquelle elle se déplie, la portée universelle du propos : plus un système politique est contraignant plus il générera en son sein les éléments qui le détruiront.

Depuis le film « IF » de Lindsay Anderson (GB 1968) chacun sait que la jeunesse est
porteuse d’une capacité de résister à l’arbitraire du mode de vie qui lui est imposé.

Cette réactivité chez Scholl revêt une forme pacifique : elle consiste à distribuer des
libelles.

Mais elle peut aussi revêtir une forme bien plus agressive.

Ainsi un parallèle me paraît intéressant à établir avec le film du palestinien Hany Abu-Assad, dont la sortie a précédé d’une semaine celle de Sophie Scholl, « Paradise now » .

Dans « Paradise » l’attitude adoptée par les 2 héros, Said et Khaled, est bétonnée de
violence puisqu’ils se sont portés volontaires, peut-être sans savoir réellement à quoi ils s’engageaient , pour accomplir une mission terroriste : commettre un attentat suicide à Tel-Aviv

Un fil existe entre ces deux témoignages d’un moment historique : celui du rôle que la jeunesse peut y tenir.

Rôle de résistance qu’elle assume sans faillir chez « Scholl », rôle d’activisme qu’elle remet en question dans « Paradise » puisque finalement il n’est pas certain que Khaled et Said seront les bombes humaines qu’ils ont été façonnés à devenir.

Ces deux films sont sobrement et honnêtement réalisés. Ils ne s’égarent pas en raisonnements sophistes ou en partis pris immodérément émotionnels.
L’absence de pathos, la rigueur de construction avec laquelle ils se déploient accentuent avec efficacité leur argumentation narrative.

Si les jeunes de Rothemund et de Abu-Assad sont parties prenantes de l’époque et du lieu dans lesquels ils vivent, ils ne doivent pas faire oublier les autres, ceux qui glissent, qui dérapent de la réalité qui est la leur.

Je pense notamment aux personnages des « Last days » de Gus Van Sant (USA 2004) qui résonnent comme un écho funèbre à la vitalité responsable des « Letzte dagen » de Sophie Scholl.

Comme quoi les mêmes titres ne sont pas nécessairement, comme l’on dit en musique chorale, des canons les uns des autres. (m.c.a)