SLUMDOG MILLIONAIRE

On en parle et on en reparle. Les médias, les critiques, le public. Tous unis pour applaudir le nouveau film de Dany Boyle. Pour souligner la grandeur de « Slumdog millionaire », sa réussite, à tous les niveaux. Derrière ce tonnerre de congratulations, comment voir le film ? Comment parvenir à l’appréhender en dehors de ces louanges ?

Aller voir « Slumdog Millionaire » en tentant de se dégager de ses à priori est presque impossible. Alors, quand on pénètre dans une salle, que l’on s’installe, convaincu d’être sur le point d’assister à un chef d’œuvre, s’apercevoir que les images qui défilent à l’écran vous laissent plus que froid est une déception sans nom.

C’est pourtant la sensation que l’on éprouve. Tout d’abord, on est surpris de réaliser la dimension stéréotypée de l’intrigue. Il semble que le réalisateur ait voulu y rassembler tous les malheurs du monde, les pires atrocités. Bien que cette surenchère dramatique s’inspire sans aucun doute de la réalité des bidonvilles indiens, elle semble tellement paroxystique qu’elle en acquiert une dimension artificielle. Du coup, on a tendance à se distancier de l’intrigue. 

Cette distanciation est peut-être aussi la conséquence du montage du film, terriblement démonstratif, qui fonctionne en flash back explicatif. Cette structure devient vite écœurante, parce qu’elle est outrancièrement répétitive. Et qu’elle ne laisse aucune place à l’innovation, ou à la surprise. Ajoutons à cela la marque de fabrique de Dany Boyle, son attrait pour des séquences de montage accéléré, assorti de gros plans incessants, qui dans ce contexte d’Inde ultra coloré, prend rapidement des allures redondantes.

Il ne faut évidemment pas nier les qualités de « Slumdog Millionaire ». Récit conte de fée, il emballera les foules sans aucun problème. Parce qu’il nage dans le classicisme. Parce qu’en utilisant tous les ressorts du cinéma reconnu, en se posant comme un film d’auteur intelligent, il rallie les spectateurs à sa cause.

Et quelque part, c’est tant mieux. Dany Boyles mérite la reconnaissance, de ses pairs comme du public. On aurait simplement préféré que cette reconnaissance arrive avec l’un de ses précédents films. Car celui-ci a perdu quelque chose de ses réalisations antérieures. Sa pudeur. Et sa simplicité pour conter les sentiments.

Avec « Slumdog Millionaire », on verse dans le gros trait. Et c’est peut-être ce qui est le plus dérangeant. Parce qu’en gavant d’émotions, Dany Boyles empêche le spectateur de ressentir un sentiment qui lui appartient en propre. (Justine Gustin)