Drame
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SLOVENIAN GIRL

DAMJAN KOZOLE (Slovénie /Allemagne/Serbie-Croatie 2010)

Nina Ivanisin, Peter Musevski, Primosz Pirnat

87 min.
20 avril 2011
SLOVENIAN GIRL

« Il ne faut pas de tout pour faire un monde, il faut du bonheur et rien d’autre » Paul Eluard.

Quid si le bonheur n’est pas au rendez-vous ? Par quoi sera-t-il remplacé ?

Damjan Kozole a la palette, noire et marron, qui convient pour saisir la dureté d’un monde sans espoir d’une quelconque ligne d’arrivée rédemptrice.

Un monde dur qu’il lit avec la froideur distanciée et vaguement menaçante d’un homme de loi impliqué dans la rédaction d’un acte qui ne fera pas de ses signataires des gens heureux.

Aidé dans sa démarche, par une actrice qui incarne, avec la précision efficace d’un zombi adonné au mensonge, à la manipulation, à la haine un quotidien vidé d’émotion.

Aleksandra est étudiante à Ljubljana. Pour pourvoir s’acheter un appartement, elle se prostitue. Recherchée par la police et des proxénètes, elle trouve refuge à la campagne chez son père, un rocker vieillissant.

Film fort, sombre, soulignant combien le fossé peut être dangereusement abyssal entre la vie telle qu’on la rêve et celle que l’on doit affronter dans la réalité, « Slovenian … » est l’occasion de poser un regard à la fois humain, social et politique sur ces anciens pays de l’Est totalitaire poussés, depuis leur entrée dans l’Union Européenne (*), dans une société ultralibérale dont ils ne maîtrisent pas les codes.

La mise en scène sobre et justement (parfois trop proprement) cadrée, si elle n’a pas la cinglante âpreté du cinéma roumain, réussit, sans jamais porter de jugement sur la transe matérialiste qui saisit son personnage principal, à dresser en partant d’un même fait devenu banalement divers, la prostitution estudiantine, un portrait ravageur des individus et des sociétés lorsqu’ils laissent la cupidité les envahir.

Faut-il regretter que le naturalisme de « Slovenian … » se dilue dans une sous-intrigue de thriller ou au contraire faut-il considérer que ces intrusions de « clichés de genre » sont des trouées qui désincarcèrent le spectateur d’une emprise scénaristique trop sociologique ?

Les deux points de vue se justifient et en arrivent même à se fédérer si l’on considère que la ligne de force de « Slovenian… » est une réflexion sur un Monde où pour s’acheter ce qu’ils veulent les gens sont tentés de vendre non seulement ce qu’ils ont mais aussi ce qu’ils sont.

Dans le troublant « Lilya 4-ever » de Lukas Moodyson, une jeune adolescente russe était contrainte à la prostitution.

Dans « Slovenian… » la jeune fille choisit de se prostituer.

En moins de 10 ans, « Lilya… » date de 2002, on est passé d’une nécessité obligée à une nécessité voulue.

 

Est-ce cela que l’on appelle le progrès ? (mca).
 

(*) A l’époque du tournage, la Slovénie présidait le Conseil de l’Union Européenne.