Qui suis-je ?
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SKOONHEID

Oliver Hermanus (Afrique du Sud, France)

Michelle Scott, Deon Lotz, Charlie Keegan,

109 min.
18 avril 2012
SKOONHEID

Peut-on vivre sans son ombre ? Cette ombre dessinée par les événements qui ponctuent l’histoire personnelle de chacun mais aussi par ceux d’un destin plus collectif et auquel on est, qu’on le veuille ou non, chevillé.

C’est dans cet arrimage forcé que se coule toute la désolation de ce deuxième long-métrage, après « Shirley Adams » d’un jeune cinéaste du Cap remarqué dans tous les festivals (Locarno, Londres, Göteborg, Cannes) qui ont réservé à ses œuvres une projection voire une nomination.

François est un quinquagénaire. Il habite avec sa famille à Bloemfontain, la capitale juridique de l’Afrique du Sud. Il semble y mener la vie simple et confortable d’un propriétaire de petite entreprise florissante. Ses retrouvailles avec le fils d’ anciens amis est l’occasion de faire le point sur les mensonges, hypocrisies, misères sexuelles et affectives de sa vie.

Dès cette rencontre un malaise sourd s’empare du spectateur, reflet de toute la souffrance d’un homme qui, par peur, par conformisme, par souci de ne pas se faire épingler par la société psycho-rigide dans laquelle il évolue, a choisi de ne réserver à ses désirs homosexuels qu’une place honteuse.

Celle de rendez-vous crus dans une villa discrète dans laquelle les règles de l’apartheid sont toujours de mise - « pas de folle, pas de gens de couleur, pas de métis ».

Portés par deux acteurs très convaincants (Deon Lotz et Charlie Keegan), les mots rage, colère, blessure, roublardise, faux semblant, racisme, manque de dialogues sont ici des rivières qui coulent vers le même fleuve.

Celui de la détestation de soi. De la douloureuse prise de conscience que l’on a raté sa vie.

Parce qu’il n’a pas été possible dans un pays déchiré, bâti sur une schize, celle de la séparation entre les individus suivant la couleur de leur peau, de trouver une possible réconciliation entre le noir et le blanc.

Entre ce qui est réprouvé et ce qui est admis. Entre l’incorrect et le correct.

Tout le mal-être de François, trop complexe pour se satisfaire, comme tant d’Afrikaners bornés, d’une ligne de conduite faite de dissimulation, de haine de l’autre, de fascisme latent semble emprisonné dans une lettre.

Le K de « Skoonheit » -

Ce K qui piétine sans espoir de marche arrière la promesse de douceur et de calme du signifiant « schoonheit » (beauté).

Ce K, lourd comme une herse, qui finit par emmurer vivant ses personnages

Incapables de se parler avec honnêteté et respect.

Comme si le spectre de l’apartheid sous lequel l’Afrique du Sud a vécu si longtemps était encore, de nos jours, suffisamment présent pour agiter, de violence, ceux qui y habitent. (mca)