Thriller
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SIMON WERNER A DISPARU ...

Fabrice Gobert (France 2010)

Ana Girardot, Audrey bastien Jules Pelissier, Serge Raboukine, Laurent Capelluto

87 min.
26 janvier 2011
SIMON WERNER A DISPARU ...

Une hirondelle ne fait pas la printemps dit-on.
Un film suffit-il pour faire un cinéaste ?

C’est pour pouvoir répondre à cette question qu’il est toujours intéressant de partir à la découverte de ceux qui débutent ce qui pourrait devenir une carrière.

« Simon… » est à cet égard une belle promesse qui, dès son titre, accroche par un intriguant mélange de cinéma qui d’emblée précise et cerne le réel – Simon Werner a disparu – et laisse la porte ouverte à l’imaginaire. A la projection de fantasmes symbolisée par 3 énigmatiques points.

Les disparitions au cinéma soient des occasions de jouer avec les nerfs des spectateurs. 62 ans après leur réalisation par Christian-Jacque « Les disparus de Saint-Agil » gardent leur mystère et « La disparition Alice Creed » (*), sorti il y a un mois sur nos écrans, suscite l’engouement par son atmosphère de huis clos oppressant

Un jour, Simon élève en terminale ne revient plus au lycée Léon Blum. Très vite, il n’est plus le seul à manquer à l’appel.

La force du jeune cinéaste français, Fabrice Gobert est son habileté à installer un climat de tension obtenu par un astucieux téléscopage de points de vue différents d’un même évènement.

Sa faiblesse est de systématiser cette technique (**) en faisant ainsi retomber un modus operandi comme s’il était un soufflé dont on aurait mal calculé le temps de cuisson.

Aidé par le travail d’images et de cadre magnifique d’Agnès Godard, étayé par une bande son de tout premier ordre (***), soutenu par de bons acteurs, « Simon… » s’insinue peu à peu dans nos esprits pour les désorienter d’abord.

Les inquiéter ensuite. Posant même quelques jalons vers une diffuse forme d’angoisse de ne pouvoir reconstituer, au départ de ses parties, un tout. Angoisse énervante comme celle de ne pas retrouver la dernière pièce qui complètera le puzzle.

Si la partie narrative éclatée de « Simon… » intéresse, son incarnation formelle emballe. Parce qu’elle révèle une double maîtrise.

Sur une réalité - nous sommes dans un décor des années 1990 - reconstituée avec une minutie à la hollandaise et sur un rendu figuratif dont l’esthétique froide renvoie au meilleur de David Hockney.

Jouant habilement de la notion de points de vue - que fait le critique de cinéma lorsqu’il exprime le sien ? – « Simon… » est aussi un miroir aux alouettes. Faisant prendre des vessies pour des lanternes.

Parce qu’il rappelle que l’adolescence est l’âge non seulement de la danse frénétique des hormones mais, aussi des chimères permettant à la fois de sortir des clichés (****) et de nommer, en espérant les maintenir à distance, des angoisses et des peurs (la drogue, l’homosexualité, la pédophilie).

Le spectateur sait qu’il va se faire manipuler comme il pourrait l’être dans un film de Brian de Palma.
Il y prend du plaisir même s’il soupçonne que des longueurs et des langueurs de scénario l’attendent au tournant.

Parce que « aller au cinéma » c’est aussi une activité ludique (mca)

(*) du jeune réalisateur britannique John Blackson
(**) portée à la perfection par Kurosawa dans « Rashomon », à l’obsession par Gus Van Sant dans « Elephant ».
(***) les créations de Youth Sonic et reprises de Tom Waits sont remarquables
(****) pour mémoire la reprise dans un cycle consacré aux « Teenmovies » sur TCM cet été du film « The breakfast club » de John Hughes dans lequel à la question posée par un directeur de lycée « Qui pensez-vous être », un étudiant répondait « Quelle importance … puisque vous nous voyez tel que vous voulez nous voir… un cerveau, un basketteur, une princesse ... »