Docu-reportage
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SICKO

Michael Moore (USA 2007 - distributeur : A-Film distribution)

Michael Moore, Michael Moore, Michael Moore

123 min.
10 octobre 2007
SICKO

Michael Moore est au documentaire, ce que Leslie Nielsen est au film de parodie : un bouffon.

Ce qui (me) dérange chez Moore ce n’est pas son discours qui convoque la réflexion sur l’état déliquescent des principes fondateurs de la démocratie aux Etats-Unis, c’est la façon dont il l’assène et le martèle. Sans rigueur, avec démagogie et une déficience maximale de qualité formelle qui apparente ses films à des réalisations pour une télévision plus proche de Plug que d’Arte.

Sa grammaire visuelle épaisse (et épaissie de film en film) ne convainc que les afficionados de la prêche sans nuance . Les autres sont exaspérés par la mauvaise foi avec laquelle il manipule les faits, les témoignages et les consciences.

Trop assourdissantes, ses libelles perdent de leur force protestante et fortifient le sentiment que le cinéma est un mode d’expression voué à tirer à blanc. C’est-à-dire tirant narcissiquement fierté de pointer les problèmes en se souciant comme d’une guigne de leur résolution.

Après avoir pesté contre la fermeture d’usine pour motifs économiques (*), contre la vente libre des armes (**) et contre l’administration Bush (***), Moore s’en prend, dans « Sicko » à la gestion des problèmes de santé outre Atlantique.

Reprenant, avec un humour sérieusement affadi, un thème qu’il avait déjà abordé dans l’émission câblée qu’il produisait « The awful truth », il entreprend de dénoncer le système ultra libéral des
mutuelles et compagnies d’assurance américaines.

Caricatural, simpliste au point d’en être simplet, écœurement subjectif, « Sicko » est un film qui arrive au résultat inverse de ce qu’il souhaite - porter témoignage - parce que la vindicte dont il suinte met mal à l’aise et décrédibilise ce qu’il prétend dénoncer. Sa stratégie accusatrice aboutit au paradoxe du querulent : délaisser l’analyse objective au profit d’une prise de position aveuglée par sa partialité.

Pourquoi ce spécialiste de l’enfoncement de portes ouvertes (****) déborde-t-il (au propre et au figuré) de tant de hargne et de mécontentement vis-à-vis de son pays au point de fabuler comme étant de cocagne les systèmes de santé mis en place par le Canada, la France, l’Angleterre (*****) et Cuba - référence ultime qui signe l’entrée de Moore dans le grotesque délirant ? 

Peut-être qu’un début de réponse se trouve dans l’émission "Questions à la lune" de Jean-Claude Deffossé (programmé ce 10 octobre sur La Une) ou dans le documentaire « Manufacturing dissent » réalisé par deux ex-admirateurs, Debbie Melnyck et Rick Caine » et attendu avec impatience par tous ceux qui savent qu’il y a un monde, celui de l’honnêteté, entre les mots provocateur et manoeuvrier.

Si vous voulez voir un film qui fait mouche sur la nocivité capitaliste des compagnies d’assurances privée allez voir « The rainmaker » de Ford Coppola ou "The fortune cookie "de Billy Wilder. Il est des fictions qui rendent aussi bien sinon mieux une réalité qu’un reportage saboté par ses excès. (m.c.a)

(*) « Roger & me »
(**) « Bowling for Columbine »
(***) « Fahrenheit 9/11 »
(****) En effet quel démocrate est pour l’inégalité, la violence et la pauvreté ? Quant aux non démocrates, ils se fichent des leçons de Moore et ne vont pas voir ses films.
(*****) Conseillons à Monsieur Moore de tester ses a priori à la lumière du dernier Denys Arcand « L’âge des ténèbres » ou de revoir le sketch de Mister Bean lorsqu’il se présente au service des urgences hospitalières.

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