Réflexion citoyenne
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SANTIAGO 73, POST MORTEM

Pablo Larrain (Chili, Mexique 2010)

Alfredo Castro

98 min.
20 mars 2011
SANTIAGO 73, POST MORTEM

« Santiago… » est un film fascinant.

 

Un récit à l’os dont la flamboyance doit beaucoup à son austérité.

Récit qui n’est lourd que de son envie de raconter avec le froid du scalpel la prise de pouvoir par Pinochet au travers des yeux (inutile de parler de sensibilité, le personnage principal en est dépourvu) d’un homme détaché de tout.

D’un homme dont le travail est de transcrire des rapports d’autopsie, dont l’âme javellisée est jumelée à celle de « L’étranger » de Camus et qui ne semble avoir qu’une idée.

Fixe et bizarrement asséchée : trouver l’amour.

D’une intensité que l’on pourrait qualifier de ravageusement pessimiste et avec un sens de la mise en scène qui, alors qu’elle est besogneusement attentive au moindre détail, donne d’impression d’une singulière étrangeté, « Santiago 73 … » est un film-entonnoir.

Aspirant le spectateur, qui le redoute autant qu’il y consent, vers un vortex de violence qui n’a rien à envier au final de « The great ecstasy of Robert Carmichael » de Thomas Clay.

Avec Pablo Larrain - dont on n’a pas vu le premier film « Tony Manero » mais que l’on n’imagine pas ne pas voir au plus vite - les veuleries et égoïsmes sont aux commandes.

Fruits d’une léthargie d’alligator lorsqu’il erre à fleur du bayou, elles n’attendent qu’une étincelle pour exploser. Sans concession, sans repentir.

Mais pas sans humour cynique sur la bombe fascisante qui se niche avec la proximité de l’aspic au sein de Cléopâtre en chacun de nous.

 

Pablo Larrain ne disserte pas. Ne propose pas de débat. Ne soulève pas de question.

Il donne à voir avec une puissance d’autant plus accablante qu’elle est parcimonieusement soulignée qu’il y a entre ce que l’on est et la crapule que l’on peut devenir moins de distance qu’entre une chenille et le papillon qu’elle devient.

Dans « Nostalgia de la luz », Patricio Gusman revenait sur le passé de son pays, le Chili, avec l’art d’un poète au coeur empoussiéré d’étoiles, dans « Santiago 73.. », le même passé est revisité.

 

Avec une sobriété dont le crépusculaire n’est éclairé d’aucun corps céleste.

Dans les deux cas, on se souvient d’un apophtegme d’Edmund Burke « Tout ce qu’il faut pour que le mal triomphe c’est que les braves gens ne fassent rien ». (mca)