Adaptation d’un livre
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RUNNING WITH SCISSORS

Ryan Murphy (USA 2006 - distributeur : Sony Pictures)

Annette Benning, Gwyneth Paltrow, Evan Rachel Wood, Alec Baldwin, Joseph Cross, Joseph Fiennes, Brian Cox

121 min.
28 mars 2007
RUNNING WITH SCISSORS

Il se dégage de ces deux heures de projection une tristesse et un humour graves et fous au travers desquels se dessine, sur un mode dramatico-comique, une vie - celle d’Augusten Burroughs, cet écrivain né aux USA en 1965, qui a puisé dans les trous noirs de sa vie la matière de ses livres à venir et notamment dans ses années d’adolescence le ferment de ce « Courir avec des ciseaux » paru depuis peu en collection 10/18.

Que serait-il devenu, coincé entre une mère psychotique, un père alcoolique qui testerait bien le couteau à pain sur la gorge de sa femme, et un psy plus dérangé que ses patients, s’il n’avait obéi à l’impérieux besoin de quitter ce monde de bargeots pour qui l’avenir se lit dans les étrons ou ne s’envisage que sous les lambris de soirées compulsivement consacrées à la poésie ?

Il va tout connaître de la misère et du désarroi d’une enfance et d’une adolescence abandonnées à elles-mêmes.
Sans repère et sans limite, il pousse comme une mauvaise herbe entre des pavés de guingois et mal jointoyés. Il deviendra l’exemple de ce miracle qui permet, parfois, aux vies les plus mal commencées de devenir, par la grâce de leur remémoration, fertiles en servant de terreau à ces différentes sortes d’écritures du moi qui s’appellent autobiographie, journal intime ou autofiction. (*)

Moins guidé par une volonté d’introspection que par un souci de rompre avec la position paranoïaque vers laquelle semblaient inexorablement le conduire ses démesures et celles des gens avec lesquelles il a vécu, Burroughs réussira là où sa mère a échoué : écrire pour ne pas disjoncter sous le poids d’un inconscient dont la partie créatrice reste verrouillée.

Dans « Running… », il y a un peu de la loufoquerie de Wes Anderson (**), un peu plus encore de l’ironie désespérée de Caouette (***) et beaucoup de ce genre cinématographique que Hadelin Trinon (****), a baptisé d’ "auto-ciné-biographie" ou de cinéma du "je".

« Running… » est le premier passage à l’acte-ciné de Ryan Murphy, depuis sa conception pour la télévision de la série médicale « Nip/Tuck ». Il a conservé de celle-ci le parti pris narratif et visuel
d’une collision entre le délirant des comportements humains et le tragique de ce qui les meut.

Les acteurs ne sont pas tous à la hauteur de ce choc, mais certains d’entre eux sont excellents.
Annette Benning, notamment, dont la performance de funambule entre émotion, rigidité et maladie mentale est surprenante. (m.c.a)

(*) Le hors-série du Magazine Littéraire de mars-avril 2007 est consacré à ce genre littéraire ainsi théorisé par Serge Doubrovsky dans les années 1970 « la mise en fiction de la vie personnelle ».
(**) « The Royal Tenenbaums » dans lequel Gwyneth Paltrow jouait, aussi, avec noirceur, de sa beauté lumineuse.
(***) « Tarnation »
(***) in « Revue belge du cinéma » 1985 n° 13