Drame
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ROAD IRISH

Ken Loach (GB 2010)

Andrea Lowe, John Bishop, Mark Womack, Trévor Williams

109 min.
20 avril 2011
ROAD IRISH

Après avoir vu « Road Irish » un vers d’Iphigénie en Tauride revient en mémoire : « La mer lave tous les crimes des hommes ».

La dernière réalisation de Ken Loach, si elle n’a pas la force de "It’s a free world", en possède le même vibrato singulier et radical. Qui, dès les premières images, questionne le spectateur et le concentre sur un essentiel.

En l’occurrence celui d’une pratique consistant de la part de sociétés privées occidentales à envoyer sur les lieux de bataille des mercenaires, hypocritement rebaptisés « agents de protection » aux fins d’y assurer la sécurité des étrangers et de leur « éviter le pire » .

 

Un pire qui n’empêche pas d’être la cause, en toute impunité, de la mort de civils indigènes innocents.

On sait depuis longtemps que les routes, au cinéma (et dans la vie) mènent rarement au Paradis - « Road to perdition » de Sam Mendes - mais il y en a peu qui cernent, avec un jusqu’au boutisme aussi aigü, l’enfermement d’un individu dans une situation morale sans issue.

Pour sa 22ème réalisation dont près de la moitié avec le scénariste Paul Laverty. (*), Ken Loach dessine le portrait d’un homme, Fergus, ancien soldat des Forces Spéciales, poussé par des raisons économiques à intégrer une équipe de « contractors » » sévissant sur la route la plus dangereuse de Bagdad, la Road Irish.

De retour à Liverpool, sa ville natale, il est bien déterminé à contester la version officielle de la mort de son ami.

C’est au plus près ses émotions, brutes et brutales, que le cinéaste va filmer son personnage principal.

 

Sans illusion aucune sur ce qui pourrait rester de vulnérable ou d’innocent chez cet homme qui a vécu la guerre sans avoir à respecter les codes déontologiques habituellement mis en place par l’armée ou l’idéologie personnelle.

Sorte d’animal humain à la rage hantée par l’envie de comprendre, attisée par le cynisme des politiques, habitée par les horreurs qu’il a vécues, vérolée par le goût du profit facile des sociétés privées (et maffieuses ?) qui l’ont recruté, Fergus refusera toute main affectueuse prête à l’aider.

Il leur préférera la violence. Dirigée contre autrui et contre lui-même.

Même si le recours à une simplification ou une systématisation un brin didactiques est parfois un peu agaçante, il n’en demeure pas moins vrai que pour dénoncer la crapulerie et le laisser-faire institutionnel face à une entreprise en plein essor - la privatisation de la guerre pour débarrasser les Autorités d’avoir à assumer bavures et sale boulot - il faut parfois user d’un ton à la hauteur de ce que l’on pointe.

Un ton qui gagne en efficacité s’il fait lui aussi la part belle à l’agressivité et la virulence.

Le dérangeant « œil pour œil, dent pour dent » devient dans cet ouvrage sombre un utile (nécessaire ?) « à réalité féroce, mise en images âpre ».

Apreté qui questionne autant qu’elle trouble parce qu’elle accompagne un exercice critique servi par une mise en scène à la fois intelligente et à fleur de peau. (mca)

(*) qui a travaillé sur le récent coup de cœur de CinéFemme « Tambien la lluvia » de Iciar Bollain.