Ames sensibles s’abstenir !
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REVENGE

Coralie Fargeat

Matilda Lutz, Kevin Janssens, Vincent Colombe, Guillaume Bouchède

108 min.
21 mars 2018
REVENGE

Influencée par des films tels que « Blue Velvet », « Mad Max : Fury Road », « Kill Bill » ou encore « Rambo », la réalisatrice française, Coralie Fargeat, s’approprie les codes du « revenge movie » et nous livre une sanglante revanche féministe. Attention, âmes sensibles s’abstenir !

Trois riches chefs d’entreprise, la quarantaine, mariés et bons pères de famille, se retrouvent comme chaque année pour une partie de chasse. Un moment où ils peuvent se défouler et évacuer leur stress. Sauf que cette fois, l’un d’eux a ramené sa jeune maîtresse, une lolita hyper sexy, Jennifer, qui ne laisse pas les deux autres indifférents. Les choses finissent par déraper … la jeune fille est violée et laissée pour morte dans le désert. Mais contre toutes attentes, elle survit à ses blessures et la véritable partie de chasse ne fait que commencer.

Le contexte dans lequel arrive ce film sur nos écrans n’est pas anodin. « Revenge » vient s’inscrire dans un tournant de l’histoire du cinéma et reflète l’actualité de son époque (affaire Harvey Weinstein, mouvements #MeToo, #TimesUp). Une des intentions de la réalisatrice était d’ailleurs d’en faire un film 100% féministe et d’avoir ce personnage féminin qui viendrait cristalliser toutes les violences faites aux femmes et les idées reçues qui vont avec. Autre chose à noter, le milieu social auquel appartiennent ces trois hommes. Ce sont de riches hommes d’affaires, soi-disant civilisés et raffinés.

Dans la première partie, la violence envers Jennifer va aller crescendo en très peu de temps. Elle est d’abord présentée comme la lolita qui assume pleinement son côté bimbo et qui en joue auprès des hommes. La caméra filme certaines parties de son corps en gros plans, renvoyant directement à la façon dont la perçoivent les hommes du film. Notons également que le premier regard qui ouvre le film est celui de son amant. La caméra recule et la laisse ensuite apparaître en arrière-plan.
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La violence envers Jennifer va commencer à partir du moment où elle va exprimer un refus face aux avances d’un des deux amis de son amant. Ce refus est exprimé hyper gentiment afin de ne pas vexer ou fâcher l’autre personnage qui, de son côté, n’hésite pas à l’insulter et à la culpabiliser. Après la violence verbale vient la violence physique. Dans cette scène de viol, un autre personnage, en plus de la victime et de l’agresseur, apparaît. C’est celui qui sait ce qu’il se passe et qui n’intervient pas. Il se rendra aussi coupable que les autres et subira le même sort.

Tout au long du film et en particulier dans cette première partie, la réalisatrice utilise les figures symboliques qui n’ont en soi rien de subtiles, mais elles fonctionnent relativement bien. Ce qui est plus intéressant, c’est le travail sur le son et les cadrages qui vont donner un aspect très sensoriel au film.

La séquence qui suit est celle où les trois hommes la poursuivent et la laissent pour morte dans le désert. Elle est devenue une menace et ils veulent la faire taire à jamais. C’est dans ce milieu naturellement hostile que la jeune femme va renaître de ses cendres et prendre son destin en main. Après la renaissance, place à la vengeance ! Physiquement, la transformation est aussi au rendez-vous, ne fut-ce que la couleur de sa chevelure qui passe de blonde à brune. En petite tenue et à pieds nus, elle va se faire justice elle-même. La victime devient ainsi la prédatrice. Et si le film s’était ouvert sur un regard masculin, le plan final va venir symboliser ce renversement en se terminant sur un gros plan sur son visage à elle et un regard caméra.
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À travers ce film à l’esthétique très pop et colorée, la réalisatrice a donc réussi à s’approprier les codes d’un genre à la base plutôt masculin pour les renverser et y inscrire un discours féministe. Alors bien sûr, le film a ses défauts, rappelons également qu’il s’agit de son premier long-métrage. Il n’en reste pas moins que « Revenge » est un film jouissif dans lequel chaque choix est assumé. Hyper violent et gore à souhait, à côté de Coralie Fargeat, Quentin Tarantino peut aller se rhabiller.

(Nathalie De Man)