Actuellement à l’affiche
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

PIRANHAS

Claudio Giovannesi

Francesco di Napoli, Viviana Aprea, Mattia Piano Del Baldo, Ciro Vecchione

105 min.
4 décembre 2019
PIRANHAS

Nicola (Francesco di Napoli) et ses amis sont âgés de 15 ans. Ils vivent à Naples et font partie d’un gang. Ils veulent gagner de l’argent rapidement, porter des vêtements dernier cri, s’acheter de nouveaux scooters, s’offrir des montres hors de prix, parader. Ils rêvent de reprendre le contrôle du quartier de Sanità, gangréné par la mafia locale, qui rackette ses commerçants de jour comme de nuit, se livre au commerce de la prostitution et aux trafics en tout genre. Mus par l’illusion de faire justice et de rétablir une certaine forme de paix en s’inspirant d’icônes mafieuses qu’ils estiment honorables, ils prennent les armes et déclarent la guerre à leurs oppresseurs.

Adapté du roman de Roberto Saviano [1] « La paranza dei bambini », qui vaut toujours à son auteur de vivre sous protection policière, « Piranhas » évoque le lourd tribut que paient à jamais les adolescents lorsqu’ils font le choix d’adopter un mode de vie criminel. Un choix insufflé par le contexte socio-économique dans lequel ils évoluent mais qui est loin d’être conscient de ses irréversibles conséquences. Claudio Giovannesi souligne ainsi l’aveuglement immature d’adolescents se prêtant à des enjeux les dépassant complètement, leur naïf et irresponsable amateurisme, leur utopie d’établir un syndicat du crime « éthique », et les irréversibles engrenages qui les conduiront à s’engouffrer dans une spirale criminelle lourde en dommages, dissolvant ce qui fait le sel même de l’adolescence : les premières amours, les amitiés que l’on croyait indestructibles, la perte brutale de l’innocence.

Portrait d’une génération sacrifiée, qui est persuadée que sa seule chance de s’en sortir est d’avoir recours aux mêmes méthodes que ses aînés tout en croyant agir plus proprement que ses prédécesseurs, « Piranhas » explore une réalité interpellante, qui pointe une misère sociale criante doublement tragique. Doublement tragique, car, d’une part, elle met en exergue un désespoir humain qui permet à un système de prospérer par la violence depuis des décennies ; d’autre part, car elle relève la létale séduction qu’opèrent les méthodes mafieuses sur une jeunesse qui, élevée dans un univers hyper-consumériste, rêve de pouvoir et d’argent facile. Bien qu’inspiré par l’actualité, le film ne relate toutefois pas des événements qui se sont réellement déroulés. Son objectif n’est donc pas ici de décrire la délinquance juvénile de la ville de Naples, mais bien d’aborder un thème allant bien au-delà du lieu de sa mise en scène : l’irrévocable délitescence de l’insouciance adolescente dès le moment où elle pactise avec la criminalité.

Tourné en neuf semaines en suivant un séquencement chronologique, le film se développe sur un tempo à l’image de la fougue de ses protagonistes et de leur énergique fraîcheur. Campés par de jeunes acteurs très convaincants, qui n’avaient lu ni le scénario ni le livre avant le tournage, ces novices séduisent par leur carrure d’anti-héros, qui poursuivent l’illusion chimérique d’une mission salvatrice, qui s’avèrera dévastatrice.


Christie Huysmans

[1Roberto Saviano est également l’auteur de « Gomorra », adapté par Matteo Garonne qui remporta le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en 2008.