Dessin animé de qualité stylistique +++
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

PEUR(S) DU NOIR

Marie Caillou, Blutch, Charles Burns, Pierre Di Sciullo, Richard McGuire, Lorenzo Mattotti (France 2007 - distributeur : Benelux Film Distributors)

les voix de Nicole Garcia, Laure Atika, Guillaume Depardieu

85 min.
13 février 2008
PEUR(S) DU NOIR

Back to black. And white. Ces deux couleurs, celles du tao et du « Renaissance » de Christian Volckman, qui sont les tombes et berceaux d’une lumière qui lutte, malgré tout, pour émerger. Pour exister.

Sous l’égide d’Etienne Robial (*), six graphistes - deux américains, trois français, un italien - chacun dans leur stryle propre et en exposant leurs cauchemars - qui souvent croisent les nôtres - œuvrent à un étourdissant retable dont les prédelles, par leur beauté formelle, touche à la fragilité de ce qui nous construit ou détruit.

Ces peurs, enfantines souvent, irrépressibles toujours, auxquels un traitement en noir et blanc apporte une résonnance profonde et mystérieuse, n’ont rien de bien original. Et c’est justement pour cela qu’elles trouvent, en nous, une résonnance qui dure longtemps après la projection.

Comme si les voir exprimées par le choix d’un dessin élégant, épuré et glacé permettaient de mieux ressentir la part mystérieuse qui nous constitue.

Film puzzle dans lequel chaque pièce s’emboîte avec une fluide évidence, « Peur(s)… » parle de maladie, de folie, de viol, d’ insectes, de piqûres et d’enfermement. Toutes ces choses que l’on peut redouter et qui appartiennent à la grande famille de la phobie.

De la Peur fondamentale. Celle qui n’a pas de (s) mais s’inscrit avec une majuscule.

 
Que le noir soit ombragé (Matteoti), hachuré (Blutch) ou assourdissant (Di Sciullo), il évoque une intensité à laquelle il est impossible de résister. Puits d’extrême violence et d’infinie profondeur dans lequel chuter ne fait pas toujours crier.

Le peintre Pierre Soulages l’a bien compris, lui pour qui le noir est source inépuisable de vie.

Que le blanc soit plutôt gris (Marie Caillou), destroy (McGuire), ou vertigineux (Burns), il s’affiche moins comme inaltérable innocence que comme espace de pureté passagère. En attente de griffure ou de tache.

Ce qu’ont bien saisi les frères Grimm dans leurs contes dits pour enfants (**) et Tim Burton qui ensanglante la bichromie du générique de « Sweeney Todd ».

Film fantastique - à ne pas mettre sous les pupilles les plus impressionnables - bercé par les tonalités graves de Nicole Garcia et aérées de Laure Atika, « Peur(s)… » est un écho de ce que nous savons mais oublions trop souvent.

La terreur, pour s’installer, a besoin du consentement de celui qui la secrète.

L’hebdomadaire bruxellois "Cinéma" du 13 février 2008 propose une intéressante interview de Charles Burns par Niels Ruëll. (m.c.a)

(*) Graphiste, auteur notamment du logo du magazine de BD et de SF « Metal hurlant » et co-fondateur des éditions Futuropolis dont le catalogue a été cédé, non sans remous, à Gallimard.
(**) On pense notamment à « Blanche Neige » mordant dans une pomme rouge, ou « Cendrillon » se piquant au rouet

_