3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Oxana

Charlène Favier

Albina Korzh, Maryna Koshkina, Lada Korovai

103 min.
7 mai 2025
Oxana

Le film s’ouvre sur une scène fascinante : en Ukraine, dans la nuit noire de Kupala qui, au sein de la foret, célèbre la nature, l’amour et la magie, des femmes vêtues de blanc et coiffées de fleurs dansent devant le feu sacré. Merveilleuses et mystérieuses images d’ouverture de ce film qui va nous plonger dans la vie d’une jeune femme ukrainienne, artiste rebelle, activiste, Oksana Chatchko, qui fut la co-fondatrice d’un des mouvements de résistance et de lutte pour les libertés les plus importants du XXIe siècle : FEMEN.
Un peu d’histoire pour comprendre le destin hors du commun de cette toute jeune femme qui a vécu pour son art, pour la liberté et contre toutes les oppressions : c’est en 2008 à 21 ans que Oksana (Oxana dans le film) participe à la fondation des FEMEN qui « représente une idée, une lutte contre le patriarcat, « le sextrémisme ». « C’est à elle que le mouvement FEMEN doit son esthétique : seins nus, buste peint de slogans, couronne de fleurs et poing levé, faisant de son art une arme de guerre". Le film montre très bien, lors des premiers happenings, la prise de conscience par Oxana de la force du geste artistique.“On ne se déshabille pas, on met nos uniformes. L’objet sexuel devient un objet qui proteste.”, dit-elle.
Réfugiée en France depuis 2013, avec Inna Shevchenko et Sacha Chevtchenko, Oxana est expulsée avec Sacha de leur propre mouvement par Inna en 2014. Elle se retourne alors vers la peinture (1), sa passion première qui a toujours fait partie de sa vie : pour elle alors, » sa peinture était "la continuité de son militantisme mais sous une nouvelle forme."
Le 23 juillet 2018 : c’est le vernissage à Paris de ses icônes blasphématoires telle une transfiguration au féminin de la vierge Marie en burqa ou de l’archange Michel avec une kalachnikov. Le soir même, dans son petit appartement, elle se pend, laissant un dernier mot « You are fake »
La réalisatrice, Charlène Favier a construit son film sur les moments forts du combat d’Oxana et du groupe FEMEN. Avec brio, elle alterne, par le biais de nombreux flash-back, les scènes de souvenir retraçant les diverses périodes de la vie d’Oxana entre 2018 et 2023 : « happenings » concernant la condition des femmes, leur sexualité , les violences conjugales, la prostitution, le harcèlement. Leur lutte s’est ensuite étendue à tout ce qui a rapport avec le recul de la démocratie, lutte assortie d’arrestations, de courts séjours en prison, d’amendes, et parfois de tortures comme dans la nuit glaciale de Minsk en 2012 où trois filles, dont Oxana, ont été abandonnées au milieu d’une forêt. Tel est leur quotidien protégé cependant par leur médiatisation.
Charléne Favier a réussi à peindre un envoutant portrait d’Oksana « en permanence à la recherche d’une transcendance.. » note Olivier Goujon. Par son procédé d’aller-retours vers les scènes de souvenirs, elle nous rend non pas spectateurs de la vie d’Oksana, mais nous permet de vivre de l’intérieur les scènes de lutte, souffrance, émotion, désespoir vécues par Oksana, merveilleusement interprétée par Noée Abita.
C’est le deuxième portrait de femme réalisé par Charlène Favier, après en 2020 le film Slalom, un premier long-métrage sur l’emprise mentale et physique dans le milieu du sport.
Allez voir ce film et vous en sortirez, je l’espère, comme moi, fasciné-e et bouleversé-e devant le portrait émouvant de cette jeune femme » qui ne croyait qu’en l’art et la révolution ».
France Soubeyran