NOTRE UNIVERS IMPITOYABLE

Une fois acceptées les prémisses que les juristes représentés dans « Notre univers … » ressortissent au virtuel, le film perd ses couleurs d’invraisemblable vaudeville pour celles d’unes satire, légère et rondement menée, du monde du travail.

Margot et Victor vivent ensemble et travaillent dans le même cabinet d’avocats d’affaires. Une place d’associé est à prendre. Mis en concurrence, qui l’emportera ?

S’insérant avec une fluide vivacité dans un moule mis au point par Paul Guimard dans son roman « L’ironie du sort » (*) - pousser le plus loin possible les conséquences supposées d’une alternative -, « Notre univers… » va explorer les effets dominos d’une hypothèse en s’interrogeant sur les possibles développements d’une promotion.

Que ce soit elle ou lui qui obtienne le poste, cette rivalité ne restera pas sans effet sur la vie du couple.

Rien de bien neuf à cet égard. Déjà en 1949, dans « Adam’s Rib », George Cukor s’interrogeait sur les suites d’une compétition professionnelle entre époux.

Si on riait « bon enfant » chez Cukor, on rit « jaune » chez Fazer.

Parce que le regard n’est pas le même. Il est acerbe et sans complaisance chez la cinéaste.

Acerbe parce que quoi qu’il arrive, Margot sera victime. De son mari, s’il gagne, dont elle devient un « accessorium sequitur principale ». De son patron, si elle gagne, dont elle devient la maîtresse.

Sans complaisance parce que le dommage collatéral de la recherche du pouvoir et du prestige socialo-financier qui y est associé est de taille : l’humiliation et le mépris plus ou moins subtil de l’autre. De celui qui a moins bien réussi.

Les atouts de ce deuxième film (**) de Lea Fazer sont nombreux : scénario bien huilé, montage
sans rupture tirant parti d’une coupe de cheveux (***) - présentée comme emblème d’une situation : ils seront longs et hollywoodisés dans le schéma Margot-executive woman, courts et négligés dans le pattern Margot-mère de famille -, dialogues rapides et piquants et final en forme de point d’orgue qui résout, avec intelligence, les divergences narratives.

Fable moderne, légère et cruelle, « Notre univers… » est porté par deux jeunes Atlas, Alice Taglioni et Jocelyn Quivrin - compagnons à la ville et à l’écran - qui apportent aux répliques les bulles de la comédie et l’amer d’un constat.

La parité homme-femme dans les professions à haute valeur sociale n’est pas encore chose acquise. (m.c.a)
 
(*) Paru en livre de poche
(**) Le premier « Retour en Suisse » date de 2004. Lea Fazer joue un tout petit rôle dans « Notre univers… ». Elle est la bijoutière de la place Vendôme.
(***) Cheveux, symboles de puissance comme dans le récit biblique « Samson et Dalila » in la Bible - livre des Juges 16,4-21. Cheveux déjà utilisés comme repères optionnels dans le "Sliding doors" de Peter Howitt avec Gwyneth Paltrow.