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Coup de coeurNOSTALGIA DE LA LUZ

Patrizio Guzman (Chili 2010)

Gaspar l’astronome, Lautaro l’archéologue, les veuves Victoria et Violeta, Luis l’ancien détenu ....

90 min.
22 décembre 2010
NOSTALGIA DE LA LUZ

Atacama, désert et région du Nord du Chili.

Atacama, 4 syllabes qui claquent et ont, en 2010, crépité au moins deux fois.

Une fois en octobre lors du sauvetage très médiatisé des ensevelis de la mine de San Jose et une autre fois en juillet lorsque le film de Patricio Guzman (qui se passe à Atacama) a reçu les faveurs du public dans le cadre du Prix de l’Age d’Or/Cinédécouvertes organisé par la Cinematek de Belgique.

Et ce « pour saluer l’éclat d’une intégration de ses thèmes de toujours, le Chili au XXème siècle, dans une réflexion à la fois philosophique et poétique ».

Choix à la fois de tête et de cœur pour ce film grave et beau qui, une fois de plus (*), évoque les dégâts collatéraux de la dictature d’Augusto Pinochet (**), à travers deux (en)quêtes.

Celle d’astronomes venus du monde entier pour scruter le ciel à l’aide d’un télescope cosmologique réputé pour être le plus haut du Monde.

Celle de femmes à la recherche d’époux et de pères déportés et assassinés par les sbires de l’ancien dictateur.

De l’infiniment grand à l’infiniment petit - les restes de ce qui fut un être humain - , c’est la même exploration. Patiente, résolue et tenace.

C’est la même émotion qui, après avoir intrigué, étreint le spectateur. Saisi par ce qui se cache et se terre dans l’immensité des cieux.

Saisi aussi par ce qui se trouve derrière les pierres d’un sol aride.

Des étoiles aux ossements, le chemin n’est pas si éloigné pour qui sait le parcourir avec imagination et inlassable recherche de sens.

C’est dans ce singulier croisement que se niche la splendeur d’un film qui tient de la prière et de la curiosité archéologique et scientifique.

« Nostalgia … » n’a rien d’un film éthéré. Même s’il a pour voûte le firmament, il est solidement ancré dans un sol. Dans une histoire ancienne comme dans une époque récente et assassine.

Celle où un général envoyait, sans regret ni scrupule, ceux qui le désavouaient dans des camps de la mort.

Sans imaginer que la mémoire des vivants serait là. Toujours là pour garder en vie des souvenirs. Des noms. Des visages mêmes si la chair de ceux-ci ont disparu pour ne laisser place qu’à des crânes.

Faits de cette poussière que certains qualifient de céleste.

« Nostalgia.. » est un film miraculeux. Parce qu’il fertilise ce qui est réputé infertilisable : le désert.

Tirant de celui-ci des vestiges fondateurs de civilisations depuis longtemps disparues.

Film miraculeux aussi parce qu’il propose de dépasser un passé politique proche et enténébré. Refusant de s’en servir pour s’arcbouter au chagrin.

Mais au contraire s’en servant pour suggérer, indiquer avec autant de force que de fragilité qu’il y a des apaisements tissés de lumière.

Des apaisements qui ont pour socle un mot qu’il ne faudrait jamais oublier.

Un mot qui, à lui seul, peut rendre la dignité à ceux qui en ont été dépossédés lors de périodes troublées.

Ce mot est court, fraternel. Il s’accommode du chaos parce qu’il est capable, comme l’a proposé avec une sensible intelligence l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, de le transformer en mélodie.

 

Ce mot c’est l’Espoir (mca) 

(*) après « El caso Pinochet » en 2001 et « Salvador Allende » en 2004.

(**) Comme José Luis Penafuerte avait réalisé, avec "Los caminos de la memoria", un travail de reconnaissance et de deuil des crimes du franquisme.