Film belge
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NOIR OCEAN

Marion Hänsel (Belgique 2010)

Romain David, Adrien Jolivet, Nicolas Robin

92 min.
1er décembre 2010
NOIR OCEAN

Noir Ocean est l’échographie de multiples angoisses. Passées, présentes et en devenir.

 

Angoisses qui assaillent des jeunes gens, presque encore des enfants, lorsqu’en bout d’une mission dans l’Océan Pacifique ils prennent conscience que l’avenir, le leur et un jour peut-être celui du Monde, n’est pas nécessairement assuré.

Il est aussi et surtout un film qui met du temps à vous investir, à vous imprégner de sa profondeur grave et sombre.

Un film qui se révèle lentement, comme un effeuillement de marguerite.

Il en faut du talent pour donner au danger les couleurs d’un ciel bleu, la présence consolante d’un chien en recherche d’affection et les naïvetés de jour en jour moins candides de conscrits qui, en route vers Mururoa, terrain de prédilection des essais nucléaires français au début des années 1970, pressentent avec la sensibilité à fleur de peau de ceux dont le court passé est déjà lourd que la violence et la solitude peuvent se cacher partout.

Même dans les endroits les plus édéniques.

C’est parce qu’elle est à la fois une voie et une voix que les films de Marion Hansel sont attendus avec impatience.

 

Et que s’ils surprennent parfois, ils déçoivent rarement.

Une voie faite d’exigence formelle et d’humanité souvent silencieuse.

Une voix qui pour dénoncer ne choisit pas la déclamation ou l’emphase mais le murmure. Sachant, elle dont l’enrouement reconnaissable dès les premières syllabes semble parfois hésiter, que les pauses sont le prix d’un désir à exprimer le plus authentiquement possible une pensée tout autant ressentie que réfléchie.

« Noir océan » n’est pas un film qui se donne à voir. C’est un film qui se mérite et demande de la part de celui qui le regarde une participation pour combler les trous du mystère qui en constitue la trame secrète et tragique.

Etrange, sensible, parfois un peu trop stylisé peut-être, « Noir océan » ressortit à un genre cinématographique particulier. Le genre atmosphérique où peu est dit alors que beaucoup est suggéré.

 

Porté par des acteurs au jeu retenu, en harmonieuse résonnance avec une BO éthérée (*) qui donne à la pellicule sa force auditive, affranchie de toute couleur au clinquant inutile, « Noir… » est, en raison de sa quasi mutité et d’une volontaire modestie visuelle, émotionnellement fracassant.

Il donne à entendre, par sa description de petits évènements et ses maigres dialogues faits de banalités, que l’apocalypse (**) ne demande pas d’effets de manche.

Qu’elle peut s’annoncer, à pas légers, à pas feutrés - à la façon d’un chat - et sans faire d’autre remous qu’un immense dessin de champignon semblant surgir de nulle part.

Le film est adapté de deux nouvelles d’Hubert Mingarelli (***) dont l’esprit et l’écriture minimalistes sont respectés par une Marion Hänsel qui rappelle ici, 3 ans après avoir reçu le Grand Prix Cinéfemme pour son beau film "Si le vent soulève les sables" que la destinée humaine est souvent et silencieusement coincée entre « The devil and the deep blue sea ».

Si l’homme ne s’y habitue pas, il n’arrêtera pas de pleurer. (mca) 

(*) de René-Marc Bini

(**) qui se souvient que la plupart des participants au long métrage "The conqueror" de Dick Powell ont eu le cancer pour avoir tourné dans des lieux proches des territoires du Nevada dans lesquels l’armée testait ses nouvelles armes enrichies à l’uranium ? 
(***) parues aux éditions Le Seuil dans le recueil "Ocean Pacifique" dont la 4ème de couverture nous signale que l’auteur s’est engagé à l’âge de 17 ans dans la marine nationale et qu’il a servi sur des vaisseaux en route vers ces espaces maritimes au nom si ... faussement prometteur de paix.