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NO COUNTRY FOR OLD MEN

Joel & Ethan Coen (USA 2007 - distributeur : UIP)

Tommy Lee Jones, Josh Brolin, Javier Bardem, Kelly McDonald

122 min.
23 janvier 2008
NO COUNTRY FOR OLD MEN

Un conseil qui vaut pour ce film parce qu’il est la réussite des deux frères les plus talentueux du cinéma américain : take the Coen side of life.

La frontière entre le Texas et le Mexique est un lieu privilégié de la délinquance au 7ème art. Mythique avec Orson Welles « Touch of evil », moderne par son approche des problèmes liés à la drogue avec Tony Richardson « The border » et source de réflexions avec « The three burials of Melquiades Estrada » de Tommy Lee Jones.

Celui-là même qui dans « No country… » est un old man, shérif de son état et en désarroi laconique devant un monde où la violence est en train de changer de visage. De perdre ses habituels repères de brutalité pour devenir explosive, imprévisible, ingérable. Démente.

Parti chasser près du Rio Grande, Moss tombe sur un trésor - 2 millions de dollars en billets. Il s’en empare, déclenchant ainsi les ires d’un hasard qui ne le lâchera plus. Et prendra la forme d’un tueur psychopathe, Chigurth, qui joue, arme de sa composition à bout de bras, la vie de ses victimes à pile ou face.

Traque à la fois sèche et virtuose, « No country… » est un film implacable sur la rencontre d’une impulsivité - celle de Moss qui ne tient compte d’aucun des signaux de dangerosité qui balisent sa découverte - et d’une animalité - celle de Chigurth en qui la logique de l’instinct a remplacé celle de la raison.

En balance à ces deux instances en lesquelles se lisent les traces freudiennes d’un moi incomplètement structuré et d’un ça a-structuré, un surmoi désabusé auquel Tommy Lee Jones apporte une humanité temporellement dépassée : il arrive toujours en retard pour empêcher, même lorsqu’il est prévenu, un destin de se figer.

A ses côtés deux comédiens époustouflants. Javier Bardem machiné à tuer et Josh Brolin appendu à son fatum de perdant.

En toile de fond, un Texas, rude, inamical, poussiéreux. Hanté par des coyotes qu’on ne voit pas -
les hommes suffisent à en métaphoriser les périls - et des sagueros, ces boules de végétation qui roulent là où le vent les emmène - symboles des errances d’une poursuite bien plus impitoyable que celle visualisée par Arthur Penn dans « The chase ».

Ode au Sud des Etats-Unis, comme Fargo l’était à ses Etats enneigés, « No country… » tantôt thriller, tantôt western contemporain (boots and stetson obligent) rappelle que si les corps sont en fuite, le temps l’est aussi. Les choses changent. Ni pour un mieux ni pour un pire.

Mais pour autre dimension qui oblige ceux qui ne se sentent plus dans la course à prendre leur retraite. Et à qui ne restent que des rêves du temps d’avant pour encore se sentir vivants.

Comme « The assassination of Jesse James by the coward Robert Ford » de Andrew Dominik était impeccablement inspiré du beau récit de Ron Hansen (*) « No country… » est une adaptation magistrale d’un roman de Cormac McCarthy (**), le prosateur le plus cinématographique du moment. (***).

Lorsque des réalisateurs arrivent à mettre des images sur des mots - ce que Truffaut appelle «  Inventer sans trahir » - ils donnent à leurs films une place d’honneur au Paradis des Grandes Œuvres.

C’est incontestablement le cas avec ce somptueusement tragique « No country for old men ».

Qui devient dès lors « A country for any moviegoer » (m.c.a)

(*) Edité par Buchet Chastel
(**) Paru en poche "Points"
(***) « All the pretty horses » de Billy Bob Thornton, « The road » de John Hillcoat avec Viggo Mortensen (un régal en perspective…), « Blood meridian » de Ridley Scott. Ces deux derniers films sont encore en pré-production
(****) Voir ses écrits sur le cinéma parus dans la Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma sous le titre « Le plaisir des yeux » page 296