Adaptation d’un livre
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

Coup de coeurNEVER LET ME GO

Mark Romanek

Carey Mulligan, Andrew Garfield, Keira Knightley, Charlotte Rampling, Sally Hawkins, ….

103 min.
30 mars 2011
NEVER LET ME GO

L’adaptation du roman de Kazuo Ishiguro (Editions des Deux Terres, 2006 ; Editions Gallimard Folio, 2008), ne se présentait pas comme une tâche aisée. Il s’agissait de transposer, voire de transcender, l’atmosphère de questionnement, de doutes, d’étrangeté semée au gré des pages.

L’histoire est celle d’enfants qui grandissent dans un établissement retiré du nom de Hailsham. Leur vie, rigoureusement planifiée de jour en jour, d’année en année, semble ne mener que vers une finalité ultime sans échappatoire. D’autres ont défini l’utilité, le sens, que la vie de ces élèves prendra. Avant le début de leur âge adulte, ils sont l’une des dernières générations à grandir dans cet environnement cloîtré.

Kathy se lie d’amitié avec Tommy, grandit et s’affirme par ses choix individuels, se différentiant de ses camarades de classe, influencés par l’effet de groupe et ayant tendance à s’unir dans le rejet de l’un ou l’autre de ses membres. Kathy, elle, est terriblement habitée, particulièrement pour une enfant d’Hailsham, chez qui ce genre d’état n’est pas encouragé. Jalousée par Ruth, elle voit cette dernière s’approprier une place dont elle rêvait, celle de compagne de Tommy. Kathy poursuit son chemin, son questionnement, sans pour autant frôler, même de loin, la subversion. Ces trois-là se déchireront, se quitteront, se retrouveront sur les parcours de leurs vies.

 

Le nom de Mark Romanek, réalisateur de clips et de deux autres longs métrages (Static, 1985 ; Photo Obsession, 2002), laissait le champ ouvert à toutes les présuppositions. A la découverte du travail du cinéaste et de son équipe, le résultat final est d’une belle qualité.

 

Le trio d’acteurs principal donne chair à des personnages de papier qui prennent corps à l’image. Et n’en deviennent que plus touchants, au fil des émotions qui défilent sur leurs traits torturés d’enfants, de jeunes adultes, à la dérive, impuissants face au sort qu’on a choisi pour eux.

 

Les questions qui animent ce film relèvent peut-être d’une réalité possible, mais encore lointaine, à laquelle nos sociétés n’ont pas encore à faire face. Elles sont pourtant bien contemporaines. Pour les grands thèmes qu’il aborde, l’interprétation de ses acteurs (particulièrement Carrey Mullighan qui confirme des débuts prometteurs entrevus dans « An Education », Lone Scherfig, 2010) et la présence d’un sens de la filmographie agréable, « Never Let me Go » est une œuvre atypique dans le paysage cinématographique étasunien.

 

Elle revêt un intérêt tout particulier dans les questions qu’elle soulève. Quelle est la marge de choix d’enfants en construction, à qui l’on inculque un chemin de vie tout tracé ? Que peuvent devenir ces enfants, auxquels la notion de possible ne semble jamais avoir été une option envisageable, face à la pression d’autrui ? Que peuvent-ils faire face à la domestication de leurs pensées ? Sont-ils encore capables, une fois arrivés à l’âge adulte, de déconditionner les chemins qu’on a forgés en eux ? Sont-ils conscients, même, qu’ils ont peut-être le choix ? Les réponses que donne le film sont terriblement émouvantes, mais terriblement révoltantes, aussi. (Ariane Jauniaux)