Drame familial
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MONTAG

Ulrich Köhler (Allemagne 2006 - distributeur : Ecran Total)

Isabelle Menke, Hans-Jochen Wagner, Amber Bongard

88 min.
1er août 2007
MONTAG

Une maison en travaux de rénovation. En attente notamment de fenêtres. Comme l’indique le titre de ce film, mystérieux et lent comme un poème d’Emily Dickinson : « Montag kommen die fenster » ou encore « Lundi les fenêtres arrivent ».

Nina est médecin. Elle quitte, avec son époux Frieder et sa petite fille Charlotte, Berlin pour s’installer à Kassel. Frieder s’affaire à restaurer le domicile familial.

« Montag » est une architecture silencieuse (aucun bruit de fond musical ou d’inutile remplissage) et minimaliste faite de plans séquences qui sont, chacun, un tel concentré d’autonomie qu’il est impossible de déterminer, en fonction de ce qui se passe sur l’écran, quel sera l’avenir du scénario et de ses personnages.

En tête de ceux-ci, Nina qui quitte Kassel pour errer. D’abord chez son frère, ensuite dans un hôtel perdu au milieu d’une forêt enneigée avant de reprendre le chemin d’un aléatoire retour at home.

Boucle d’enlisement dans une crise personnelle, conjugale et maternelle, « Montag » est un film qui parle, de façon solitaire, de solitude. Celle qui se resserre sur un couple et particulièrement sur une jeune femme happée, pour des raisons qui resteront tues, par le désir de déserter ce qui devrait devenir le centre de sa vie : la maison familiale.

Si celle ci est en construction, ceux qui l’habitent sont en déconstruction. Existentielle et relationnelle. A l’image de cette habitation inconfortable, en chantier, en attente de fenêtres qui n’arrivent pas et qui sont remplacées par des plastics punaisés, Nina n’a plus de centre de gravité.

Elle ne s’effondre pas, elle implose dans son contact avec la réalité. Réalité qu’elle a sans doute désirée - le mari, l’enfant, la maison et la belle profession ne sont-ils pas les 4 écrins supposés d’une vie bourgeoise réussie ? - mais qu’elle ne peut assumer dans leur quotidienne concrétude.

« Montag » étonne par sa capacité à saisir, à l’intérieur d’une composition scénique ultra maîtrisée, les plus ténus frissonnements de ses personnages, tous incarnés par d’excellents comédiens qui savent rendre l’impalpable des mouvements émotionnels avec une volontaire économie de moyens.

En contrepoint à cette retenue presque vertueuse, des bouffées fantastiques - comme celle de cet étrange hôtel dans lequel l’ancienne star, Ilie Nastase donne à un match de tennis l’ambiance fantomatique des rencontres mondaines de « L’année dernière à Marienbad » de Duras - apportent une visibilité inquiétante en écho au climat d’angoisse qui peut surgir d’une maison inachevée et ouverte, puisque sans fenêtre, aux vents de l’imprévu et de l’accidentel.

« Montag » suggère, comme Marcel Brion l’avait fait dans « Orplid ou une certaine idée de l’Allemagne » (*), que réel et étrange sont souvent connectés. Que le fantastique peut aisément devenir le miroir d’une réalité qui se crispe et cesse d’être explicable. Que l’esprit des frères Grimm (**) n’est jamais loin. Cet esprit qui peut faire basculer n’importe quel récit dans une autre dimension. (m.c.a)

(*) éd. Kincksieck
(**) Pour Ulrich Köhle, ce n’est pas par hasard qu’il a choisi comme lieu privilégié de la fugue de Marion la région du Harz dans laquelle sont nés les célèbres frères (entretien accordé à Didier Péron dans le supplément cinéma de « Libération » du 22 novembre 2006).